De retour d'une année sabbatique passée à lire et à apprendre, le pianiste autrichien Till Fellner fait une petite tournée nord-américaine et passe par Montréal. Le pianiste, qui entretient des liens avec l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) depuis des années, interprétera le Concerto pour piano no 3 de Beethoven à la Maison symphonique pour deux soirs, sous la direction de Kent Nagano, un concert filmé et diffusé en direct à Medici.tv.

Q: Qu'avez-vous fait pendant cette année sabbatique?

R: Beaucoup de choses! J'ai presque arrêté de donner des concerts et des récitals, sauf quelques exceptions. J'en ai donné seulement deux ou trois vraiment importants, dont un avec le Boston Symphony Orchestra à l'invitation de Bernard Haitink, que je n'aurais pas pu refuser!

J'ai passé l'année à Vienne à étudier du nouveau répertoire, surtout de Mozart, de Schumann et de Haydn. J'ai aussi suivi des cours de composition de façon sérieuse, quelque chose que je rêvais de faire depuis longtemps, mais pas dans le but d'écrire mes propres oeuvres. Mon but était avant tout de mieux comprendre la structure interne de la musique que je joue. J'ai aussi lu énormément. Je suis très intéressé par la littérature, surtout celle de langue allemande. Je me suis concentré sur des classiques : Robert Musil, Heinrich von Kleist.

Puis je suis obsédé par le cinéma, en particulier les films de Luis Buñuel. J'ai même écrit un essai sur la musique dans ses films, qui a été publié il y a quelques jours dans un journal suisse.

Q: Depuis combien de temps jouez-vous les concertos pour piano de Beethoven?

R: Cela fait 20 ans. Après avoir remporté le concours Clara Haskil en 1993, j'ai reçu une invitation de Sir Neville Marriner et de l'Academy of St. Martin-in-the-Fields à jouer les cinq concertos avec eux en une semaine, à Mexico. Je n'avais que 22 ans à l'époque, et avant cela, je n'avais joué que le deuxième et le troisième, alors ç'a été toute une aventure! Depuis, je les joue tous régulièrement. Je continue d'y découvrir de nouveaux détails musicaux et techniques. J'écoute les enregistrements de mes concerts et j'essaie de m'améliorer à partir de ces auditions.

Q: Parmi les cinq concertos, avez-vous un favori?

R: J'aime vraiment les cinq. Certaines personnes affirment que le deuxième concerto est plus faible, mais je ne suis pas d'accord du tout. Je pense que les cinq sont des oeuvres merveilleuses, et que c'est intéressant de jouer le cycle en entier, car ils sont très différents les uns des autres. Mais si j'étais obligé d'en choisir un seul, je prendrais le quatrième, parce que c'est le plus intime et le plus lyrique.

Q: Vous avez étudié avec Alfred Brendel. Qu'est-ce qui vous a le plus marqué chez lui?

R: Le fait d'étudier avec un tel maître a certainement été l'un des événements les plus importants de ma vie de musicien. Il m'a toujours dit que le compositeur doit passer en premier, et non l'interprète. Il avait le don, dans son enseignement, de nous faire travailler les plus petits détails sans jamais perdre de vue l'ensemble de l'oeuvre, et c'est ce que j'admire le plus à propos de son jeu.

Q: Mais le fait d'étudier auprès d'un géant comme Brendel rend-il plus difficile le développement de sa propre personnalité comme pianiste?

R: Dans mon cas, ça n'a pas été un problème, car je n'ai jamais senti que je devais l'imiter. Dans ses leçons, il parlait avant tout de musique. Il ne parlait pas de lui ni de son jeu.

> Till Fellner et l'OSM, 16 et 17 avril, 20h, Maison symphonique de Montréal.