Depuis ses débuts à Caracas en 1991, Los Amigos Invisibles a toujours été un groupe atypique. Le voilà de retour à Montréal avec un nouvel album qui ressuscite le disco des années 70. Explications.

Gozadera. Impossible de ne pas tomber sur ce mot espagnol qui signifie jouissif, festif, lorsqu'il est question de Los Amigos Invisibles. «On s'est tellement amusés en enregistrant notre deuxième album, en 1998, qu'on l'a intitulé The New Sound of the Venezuelan Gozadera. C'est devenu le mot-clé pour décrire notre style de musique et nous nous le sommes approprié», explique José Luis Pardo, surnommé Cheo, le guitariste, auteur-compositeur, réalisateur et DJ du groupe.

Reconnu pour sa musique festive qui donne le goût de danser, Los Amigos Invisibles chante surtout en espagnol, mais n'a pas grand-chose en commun avec les orchestres de musique latine. À la salsa ou au merengue, il préfère la musique dance, la soul et même le disco. Constamment en tournée, les six musiciens, les mêmes qui ont fondé Los Amigos Invisibles en 1991, sont aujourd'hui dispersés au Mexique, à Miami et à New York, où Cheo a un studio d'enregistrement. «On a commencé à voyager aux États-Unis et en Europe quand on a signé un contrat avec le label Luaka Bop en 1996. En 2001, on a déménagé à New York. On ne va plus très souvent au Venezuela, mais, Dieu merci, on joue beaucoup au Mexique et en Amérique du Sud.»

Avec David Byrne

Qui dit Luaka Bop, dit David Byrne, l'ex-Talking Heads, un mordu de musiques du monde qui a recruté Los Amigos Invisibles tout à fait par hasard. Cheo raconte: «On a envoyé cinq exemplaires de notre premier album à une amie qui travaillait au magasin Tower Records à New York. David Byrne avait l'habitude de fouiner dans la section de disques latins et il a été intrigué par la pochette de notre album qui indiquait par erreur qu'il avait été réalisé en 1985. Étonné que ce genre de disques ait été fait 11 ans plus tôt, il a appelé notre agent qui, croyant qu'on se foutait de sa gueule, lui a raccroché trois fois la ligne au nez. Finalement, on a signé un contrat de quatre disques avec Luaka Bop.»

Los Amigos Invisibles ne l'a pas eu facile à ses débuts à Caracas. Comme il ne jouait pas de la salsa ni du grunge, qui était à la mode à l'époque, il lui fallait non seulement séduire un nouveau public, mais également se produire dans des discothèques défraîchies où les spectateurs pouvaient se délier les jambes. «Nous étions le premier groupe configuré comme un orchestre de rock avec guitare électrique, basse et batterie, mais qui jouait de la musique dance. Nous avions eu la piqûre de l'acidjazz de Londres grâce à un gars qui nous avait apporté des cassettes des Brand New Heavies et du James Taylor Quartet. Ça nous paraissait sophistiqué et on trouvait ça amusant de jouer du funk

Cheo et ses amis ont même lancé leur propre label et produit des compilations pour donner une chance à des artistes de leur pays qui n'avaient pas trouvé preneur auprès des compagnies de disques établies. Los Amigos Invisibles ont été invités dans les festivals rock les plus prestigieux (Coachella, Bonnaroo, Lollapalooza..) et ils étaient déjà du Festival de jazz de Montréal en 2002. L'an dernier, le FIJM les a réinvités à la SAT et les voilà qui nous reviennent avec un tout nouvel album sous le bras: Repeat After Me. Un disque dansant évidemment, dans lequel on reconnaît aussi bien le Philadelphia sound des années 70 que le jazz manouche à la Django Reinhardt, et qui comprend pour la première fois quatre chansons en anglais.

«Ça s'est fait tout naturellement, explique Cheo. Après 12 ans aux États-Unis, il était à peu près temps qu'on commence à écrire un peu plus en anglais. C'est pour ça que l'album s'intitule Repeat After Me: ce sont les premiers mots qu'on apprend quand on suit un cours d'anglais.»

Les héros du Venezuela

> Oscar D'Léon, bassiste et chanteur, le lion de la salsa

«C'est notre James Brown! Oscar D'Léon n'a pas son égal. Il se donne entièrement chaque fois qu'il monte sur scène.» - Cheo, guitariste, auteur-compositeur, réalisateur et DJ de Los Amigos Invisibles

> Hugo Chavez, président socialiste du Venezuela, mort le 5 mars dernier

«Il fut la personnalité la plus célèbre du Venezuela à l'étranger au cours des 10 dernières années. Je n'approuvais pas ses politiques et je ne crois pas que le pays se porte mieux qu'avant son accession au pouvoir. Mais je ne m'y connais pas tellement en politique...» - Cheo

> Andrés Galarraga, ancien joueur des Expos de Montréal

«Au Venezuela, les joueurs de baseball (Miguel Cabrera, Felix Hernandez) sont comme les héros grecs ou romains d'antan: les gens sont très fiers d'eux, ce sont nos fils. Andrés Galarraga? Le Gran Gato! Les gens l'aiment parce que c'est un bon gars. Je pense qu'il vit toujours au Venezuela.» - Cheo

> Devendra Banhart, chanteur indie-folk né à Caracas et établi aux États-Unis

«Il vient de déménager à New York et on se fréquente beaucoup depuis quelque temps. Son dernier album (Mala) est tout simplement fantastique du début à la fin! On aime qu'il dise qu'il vient du Venezuela partout où il va et qu'il intègre des éléments de notre pays dans sa musique.» - Cheo

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Los Amigos Invisibles, à l'Astral, le 10 avril.