Moins d'un an après son concert à Osheaga, le groupe islandais Sigur Rós nous revient au Centre Bell avec son spectacle le plus élaboré et un avant-goût de son prochain album, qui annonce un son plus musclé. Conversation avec le bassiste Georg Holm.

«C'est le long chaînon manquant entre ECM et le death metal scandinave», m'écrivait récemment André Ménard au sortir d'un concert de Sigur Rós à Londres. Le cofondateur du Festival de jazz a toujours eu le sens de la formule qui provoque un sourire, mais le bassiste Georg Holm confirme que le groupe post-rock islandais entreprend ces jours-ci un virage musical.

Peut-être cela a-t-il à voir avec le départ récent du claviériste Kjartan Sveinsson, mais l'album que Sigur Rós est en train de terminer sera très différent du Valtari de 2012, tout comme le concert du trio - Holm, le chanteur Jónsi et le batteur Orri Páll DRason - et ses acolytes (cordes, cuivres, choeurs et percussions) au Centre Bell ce soir ne sera pas tout à fait comme celui d'Osheaga l'été dernier.

«Oui, c'est très différent, confirme Georg Holm. L'été dernier, on portait notre chapeau de festival et on jouait surtout du vieux matériel. Notre spectacle actuel est plutôt élaboré, avec des petites surprises çà et là. Il y a quand même des moments intimistes, mais la scénographie est plus importante. Pour nous, le décor a toujours été conçu en appui à la musique, qui était l'élément principal. Évidemment, ça l'est encore, mais je dirais qu'aujourd'hui, le spectacle visuel peut être l'égal de la musique.»

Plus musclé

Il y a plus. Georg Holm ne s'en cache pas, Valtari était en quelque sorte un accident de parcours dans la discographie de Sigur Rós, un album lancé après quatre ans d'absence, qui renouait avec la musique planante des débuts après l'album de 2008, Me su í eyrum vi spilum endalaust, plus pop, plus conventionnel dans la structure des chansons.

«Valtari est un disque un peu étrange, commente le bassiste. Après la tournée de 2008, on a décidé de prendre une année sabbatique, mais on s'est retrouvés en studio au bout de trois mois. Finalement, le disque a mis quatre ans à paraître parce qu'on était occupés à gauche et à droite et que Jónsi a entrepris sa carrière solo. On n'a pas vraiment fait de pause, on a juste travaillé un peu moins pendant quatre ans parce qu'on était un peu fatigués de toujours être en studio ou en tournée. Valtari est donc une collection de morceaux, de petites idées, dont certains enregistrements remontaient à 2005. D'ailleurs, nous n'étions pas tous en studio en même temps quand Valtari a été complété.»

Sigur Rós ne jouera d'ailleurs qu'une seule chanson de Valtari au Centre Bell, mais au moins quatre de Kveikur, son album à paraître le 18 juin. Georg Holm parle d'un disque plus «agressif, plus mordant», comme on le constate à l'écoute du premier extrait, Brennisteinn, plus musclé, dont le vidéoclip est sur le web. «C'est très certainement un virage par rapport à tout ce que nous avons fait auparavant, ajoute Holm. C'est un peu plus frontal et pas aussi... joli. Je ne dis pas que ce n'est pas joli, mais c'est moins pop. Je suis extrêmement fier de ce disque.»

La scène islandaise

Sigur Rós a vite été sacré ambassadeur de son tout petit pays quand son album Ágaetis Byrjun l'a fait connaître de par le monde en l'an 2000, comme on avait associé l'Islande aux Sugarcubes et à Björk auparavant. Aujourd'hui, on pourrait penser que le groupe néo-folk Of Monsters and Men est représentatif d'un courant dominant dans la musique islandaise actuelle.

Le bassiste de Sigur Rós ne voit pas vraiment de lien direct entre ces artistes islandais sinon qu'ils font les choses à leur manière, indépendamment des modes: «J'ai très hâte d'entendre ce que va faire Of Monsters and Men la prochaine fois. Ils font de la très bonne pop, mais je pense qu'ils peuvent nous surprendre.»

La scène musicale à Reykjavik est très hétéroclite, ajoute Holm: «C'est très actif. Tout le monde joue dans un groupe. Ça me rappelle un peu nos débuts: il y avait tellement de groupes qui donnaient des concerts ensemble. Par la suite, il y a eu un creux, mais c'est reparti. C'est très énergique.»

La filière québécoise

«Il y a toujours eu un lien entre l'Islande et le Canada à travers l'histoire. On sent nous aussi ce lien même si je ne sais pas exactement à quoi ça tient.» - Georg Holm, bassiste de Sigur Ròs

GODSPEED YOU! BLACK EMPEROR

En l'an 2000, Sigur Ròs se produit pour la première fois en Angleterre en première partie des concerts du groupe post-rock montréalais Godspeed You! Black Emperor.

VINCENT MORISSET

Le cinéaste montréalais, qui a travaillé avec Arcade Fire, filme le spectacle londonien de la tournée de 2008 de Sigur Ròs. Ce documentaire intitulé Inni sera présenté en première mondiale à la Mostra de Venise en 2011.

JEAN-MARC VALLÉE

Fasciné par la musique de Sigur Ròs, qu'il aurait aimé utiliser dans Young Victoria, le cinéaste Jean-Marc Vallée lui fera une place de choix dans son film suivant, Café de Flore.

Trois albums chouchous

«On a tellement travaillé à notre nouvel album que je n'ai pas eu le temps d'écouter grand-chose d'autre. Mais avant de monter sur scène, on écoute toujours un mix de musiques hétéroclites, des crooners islandais à la nouveauté de will.i.am et Britney Spears», répond Georg Holm en pouffant de rire. Ses choix:

MOTHERSHIP, LED ZEPPELIN

«Mon dernier achat: les disques remastérisés de Led Zeppelin. Ce n'est pas nouveau ni très actuel, mais je suis un énorme fan.»

BLANCK MASS, BLANCK MASS

Album électro solo de Benjamin John Power du groupe Fuck Buttons, enregistré dans son appartement londonien. «Il a fait la première partie de notre spectacle en Europe le mois dernier. J'aime vraiment cette nouvelle musique.»

LET ENGLAND SHAKE, PJ HARVEY

«J'aime la musique qui sort des cadres établis. C'est un disque étrange. Par moments, tu peux trouver ça un peu laid, puis l'instant d'après, c'est très beau.»

_________________________________________________________________________

Sigur Rós au Centre Bell, ce soir.