La Chapelle Historique du Bon-Pasteur accueille samedi l'ensemble du pianiste montréalais Félix Stüssi. S'y joint le tromboniste Ray Anderson, avec qui Stüssi avait tissé des liens avant même de s'établir à Montréal à la fin des années 90. Il programmait alors un festival de jazz dans sa Suisse natale et y avait invité le fameux tromboniste new-yorkais, originaire de Chicago.

Hormis Stüssi et Anderson, participent à cet ensemble les saxophonistes Alexandre Côté (alto et soprano) et Bruno Lamarche (ténor et soprano), le contrebassiste Clinton Ryder et le batteur Isaiah Ceccarelli. Aux côtés de Ray Anderson, deux albums du Felix Stüssi 5 ont été enregistrés: Baiji (JustinTime, 2008) et Hieronymus (Effendi, 2010).

«Montréal est une de mes villes préférées. J'y suis venu fréquemment, j'ai toujours envie d'y revenir», s'exclame le tromboniste sexagénaire, joint à son domicile new-yorkais. Le sable de la voix est perceptible, on en reconnaît la texture depuis les années 80 alors qu'il personnifiait le renouveau du trombone. Trente ans plus tard, il en incarne la pérennité.

«Ce groupe avec Felix Stüssi me plaît vraiment. Ce projet existe depuis quelques années, il me semble intéressant et important de revenir y participer lorsque l'occasion s'y prête. Chaque fois, c'est tout simplement merveilleux de jouer (ou même de tourner) avec ces gars, d'autant plus que Felix est un très bon compositeur. Vous savez, je ne me sens pas l'invité de ce groupe, j'ai le sentiment d'en faire partie comme les autres. L'ouverture de ces musiciens rend les choses si faciles. C'est super! Cette relation entre musiciens américains et musiciens, d'ailleurs, est une signe d'évolution de notre profession. C'est très stimulant et très positif de voir le niveau ainsi s'élever.»

Assurément, Ray Anderson ne collabore pas avec ces jazzmen montréalais pour leur faire plaisir. L'homme est très occupé, il a le choix et il choisit. «J'aime cette vie qui me permet de diriger plusieurs ensembles en plus de jouer en tant que sideman pour d'autres, comme dans cet ensemble montréalais qui m'enchante. Le fossé entre les musiciens de New York et le reste du monde, vous savez, ne cesse de rétrécir. Il y a vraiment beaucoup de très bons musiciens partout sur la planète.»

Dans la Grosse Pomme, l'agenda est aussi rempli. Voyez-le décrire tous ses projets menés de front:

«Le Pocket Brass Band est très actif en ce moment - Lew Soloff, trompette, Bobby Previte, batterie, Matt Perrine, sousaphone. BassDrumBone, un travail coopératif avec le contrebassiste Mark Helias et le batteur Gerry Hemingway, existe depuis 35... Une plante peut pousser longtemps! J'apprécie tellement pouvoir maintenir de longues relations musicales! Je dirige aussi deux quartettes: le premier avec le contrebassiste Brad Jones, le saxophoniste Marty Ehrlich et le batteur Matt Wilson, puis un tout nouveau avec l'organiste (Hammond B3) Gary Versace, le guitariste Steve Salerno et encore Matt Wilson. Le mélange du Hammond B3 et du trombone est très spécial. Beaucoup de blues là-dedans! Enfin, j'enseigne les études de jazz dans un tout petit département de musique, à l'université Stony Brooks. Cela me permet d'éviter de voyager tout le temps.»

En fait, Ray Anderson préfère voyager tout le temps... dans toutes les époques du jazz, à travers sa musique:

«Vous savez, ce n'est pas une décision consciente. C'est ce que je suis! Jeune, j'allais voir les musiciens comme  ceux de The Art Ensemble of Chicago, qui repassaient  l'histoire du jazz dans un seul concert, tout en proposant quelque chose de neuf. Pour moi, le jazz n'est pas une succession historique de styles, il vaut mieux envisager les choses de manière circulaire. La musique n'est pas neuve ou vieille. La musique est... la musique! L'idée est d'y rester toi-même et de jouer ce qui te branche au moment présent. Il faut garder la fluidité et l'ouverture.»

En ces temps difficiles, l'ouverture est effectivement indiquée. Ray Anderson en convient mais...

«Les affaires vont mal, l'économie de la musique doit faire face à des défis majeurs mais la musique de jazz est extraordinaire. Tellement de nouvelle musique émerge actuellement. Neuve, créative, excitante, virtuose et... méconnue.»

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Dans le cadre du Festival Jazz en Rafale, le Felix Stüssi 5 et Ray Anderson se produisent ce samedi, 18h, à la Chapelle Historique du Bon-Pasteur.