Un nouvel album avec une chanson inspirée du printemps érable et un clip réalisé par Xavier Dolan. Avec son CD Black City Parade, Indochine manifeste un intérêt marqué pour le Québec. Surtout que le groupe transportera son spectacle à grand déploiement au Centre Bell, le 24 mai. Entrevue téléphonique outre-Atlantique avec le chanteur Nicola Sirkis.

Sur la planète, rares sont les groupes rock dont le succès populaire et d'estime dure depuis plus de 30 ans. Avec son 12e album, Black City Parade, Indochine renouvelle sa signature musicale sans la dénaturer. C'est à l'image de son chanteur Nicola Sirkis: à voir son look, difficile de croire qu'il a 54 ans.

Comment vieillir avec une carrière rock et une famille? Ne pas être défraîchi sans trop vouloir être actuel? Indochine incarne cet équilibre difficile à atteindre.

«Nous sommes l'exception qui fait la règle qui n'existe pas», répond Nicola Sirkis.

Le chanteur ne se fait pas d'illusions: «Nous sommes plus proches de la fin que du début.»

Indochine n'a jamais rien calculé de son succès. Son approche est sincère, explique simplement Sirkis. «Dès qu'on a fini un album et la tournée qui suit, on redescend de notre piédestal et on remet les pendules à zéro. Il faut être dur avec soi-même. Et il nous faut du matériel pour entrer en studio. Les chansons priment.»

Indochine s'est remis en question avant de jeter les bases de son nouvel album Black City Parade, sorti il y a trois semaines. «On avait 14 mois devant nous pour écrire et on s'est beaucoup interrogé, raconte Nicola Sirkis. On avait la chance de faire un album attendu, mais on ne voulait pas faire un album de trop.»

Indochine a un flair avant-gardiste qui s'explique par la curiosité musicale de ses membres. L'artiste Lescop signe par exemple le texte de la pièce Traffic Girl, qui raconte le sort d'une jeune fille en uniforme qui dirige la circulation en Corée du Nord. «J'avais travaillé avec Lescop avant que tout le monde parle de lui pour l'album Alice et June (qui date de 2005)», souligne Sirkis.

Indochine a confié le mixage de Black City Parade à Shane Stoneback. «Ce mec a travaillé avec Vampire Weekend et Sleigh Bells, mais aussi avec Britney Spears. J'aimais qu'il vienne du mainstream et de l'indie, souligne Sirkis. J'ai adoré ce qu'il a fait avec l'album de Cults. Il est arrivé à donner un son incroyable à un duo qui fait du rock de garage.»

Indochine et le Québec

Le thème des villes habite Black City Parade. Le disque est également ancré dans l'actualité. «Comme l'écriture s'est déroulée sur une longue période, on ne pouvait pas être insensible à l'actualité.»

La pièce Le fond de l'air est rouge porte bien son nom: le printemps érable québécois sert subtilement de toile de fond à la chanson faisant référence à la mort du cinéaste et intellectuel français Chris Marker.

«J'étais isolé à Bordeaux pour écrire. Des amis québécois me parlaient de ce qui se passait au Québec. Je trouvais ça fou, car personne n'en parlait en France, se souvient Sirkis. Je n'y connais rien, mais j'ai été choqué par la façon méprisante du premier ministre de l'époque de s'adresser aux étudiants.»

Le chanteur s'est réjoui de voir les Québécois descendre dans la rue. J'ai été touché par ce mouvement, pour ce qu'il défendait, par sa spontanéité... Enfin, il se passe quelque chose au Canada et au Québec. Ici, on a des révolutions tous les trois ans. C'est plus restrictif au Québec. Il n'y a pas la liberté qu'on peut avoir dans une ville comme Berlin en Europe.»

En France, des gens sont actuellement dans la rue pour militer pour ou contre les mariages gais. Nicola Sirkis se désole du débat. «Pourquoi la religion s'en mêle alors que ce sont des mariages civils? Ce ne sont pas des gens qui manifestent pour avoir ou garder des droits, mais pour enlever des droits. J'ai des amis homosexuels qui se sont sentis comme des citoyens sous-estimés.»

Nicola Sirkis ne tolère pas les commentaires méprisants envers la communauté homosexuelle. En 2010, Indochine a même claqué la porte du label Wati B à la suite des propos homophobes tenus par le groupe rap Sexion d'Assault.

En 1985, Indochine lançait Troisième sexe, un hymne à la tolérance de toutes les orientations sexuelles. Sur Black City Parade, il remet ça avec la chanson College Boy. «Je l'ai écrite avant les manifestations sur le mariage gai. Je ne pensais pas que 30 ans après Troisième sexe, on allait encore alimenter la controverse», regrette Nicola Sirkis.

Comme nous l'écrivions hier, c'est Xavier Dolan qui réalisera le clip de College Boy, lui qui avait justement contacté Nicola Sirkis pour utiliser la chanson Troisième sexe dans le film Les amours imaginaires. «Ce sera un clip très fort. On s'est mis d'accord sur le scénario, mais on ne figurera pas dans le clip», précise Nicola Sirkis.

À l'heure actuelle, Indochine est en tournée dans les grands stades de France. Le groupe est heureux de pouvoir déplacer «sa machine» à Montréal. «On va réussir à transporter ce que l'on veut au Centre Bell. Il manque quelques autorisations, mais du matériel va arriver par bateau, indique-t-il. Ce sera autre chose que dans un festival ou au Métropolis où on ne peut pas tout faire.»

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Indochine sera en spectacle au Centre Bell le 24 mai.



PHOTO FOURNIE PAR TANDEM.MU

Le groupe Indochine