On n'a pas fini d'entendre parler de Daniel Bélanger. En plus de participer à l'émission de télé la plus regardée du moment et de figurer parmi les artisans de la pièce la plus attendue du TNM, le voilà qui lance un premier disque de chansons nouvelles en quatre ans. Coup d'oeil en trois temps sur une saison faste.

1. Se libérer du compliqué

Sa première grande libération, Daniel Bélanger l'a vécue en découvrant le punk rock et The Police, à la fin des années 70. Il était loin de se douter que, 35 ans plus tard, il en vivrait une autre en se plongeant dans... la musique country. Loin de s'imaginer que ces chansons pleines d'amours brisées, de solitude et de sincérité qu'aimait son père et qui le rebutaient, lui, s'imposeraient comme la voie du renouveau. Sous une forme un brin plus rock, toutefois, le rockabilly.

L'auteur-compositeur-interprète n'a jamais eu de passion cachée pour ce genre rock'n'roll très terre à terre, marqué par une rythmique minimale, une contrebasse qui claque et une guitare économe. Avec le temps, il admet simplement avoir appris à le goûter. Ce qui compte vraiment, c'est plutôt cet aveu: «Ça me libère du compliqué.»

Disque après disque, Daniel Bélanger a toujours cherché à se réinventer. «À m'entendre là où je ne me suis jamais entendu», dit-il. Disque après disque, il a donc exploré des zones rythmiques, harmoniques et esthétiques différentes. Rarement radicale, jamais simplette. Même Sèche tes pleurs, qui est sans doute sa chanson le plus proche du style chansonnier, possède une signature rythmique très typée et quelques accords un brin compliqués.

Simple contrainte

Pour la petite histoire, c'est après avoir entendu des chansons rockabilly dans une boutique de vêtements et fait un premier essai (Je poursuis mon bonheur), qu'il s'est découvert besoin de simplicité. «Puisque j'écris en me donnant des contraintes, cette fois-ci, ma contrainte, c'était de faire plus simple. Qu'est-ce que je peux faire avec trois accords?»

Son incursion en territoire rockabilly, il l'a faite avec un guide, le guitariste Michel «Dragnet» Dagenais (La Sale Affaire, Dédé Traké). Daniel Bélanger et lui se connaissent depuis le milieu des années 80. «J'ai joué un peu avec lui quand j'étais choriste pour Jean Leloup», rappelle le chanteur. Des musiciens avec qui Michel Dagenais partage sa passion pour le rockabilly au sein du groupe Howlin' Hound Dogs ont aussi mis leur griffe sur Chic de ville.

«Ce ne sont pas des musiciens professionnels, mais des rockabilly purs et durs», précise Daniel Bélanger. Ils sont arrivés dans son univers de manière très détachée. «Ils ne venaient pas auditionner, mais voir s'ils voulaient jouer avec moi. Ça m'a plu, assure-t-il. En même temps, ça me mettait de la pression: je me demandais, moi, si j'allais faire le club!»

Chic de ville n'est pas, malgré tout, un album rockabilly traditionnel. Le phrasé ample et les tentations aériennes demeurent, bien que plus contenus. Un soupçon d'humour au détour d'une phrase. Daniel Bélanger ne s'est pas nié en se pliant aux contraintes du genre. Ses chansons abordent des thèmes associés au genre (l'amour, les filles, mais pas les bagnoles) et se permettent aussi de sortir du cadre comme dans Chacun pour soi, où il est questions d'utopie et d'égocentrisme.

Le paradoxe de l'authenticité

«Je ne peux plus faire marche arrière depuis L'échec du matériel. Quand j'ai quelque chose à dire, je dois le dire. Je dois être honnête», dit-il. Cet épisode fut libérateur à ce titre, mais aussi paradoxal pour Daniel Bélanger. «Ç'a été dur pour moi de le chanter, d'en faire de l'entertainment», avoue-t-il. Ce disque paru en 2007 nommait le cul-de-sac dans lequel se trouve, à plusieurs égards, notre société (consommation, hypermédiatisation). Une chanson évoquait même la fin de l'homme...

Daniel Bélanger jongle encore avec son désir authentique de nommer ce qui le heurte et la conscience que son métier en est aussi un de divertissement. La musique country l'aide à résoudre l'équation. Tout est vrai dans les chansons de ces cowboys tristounets... jusqu'à ce qu'ils rangent leur guitare pour aller retrouver leur femme. «On fait un grand tour et on se rend compte qu'on fait aussi de l'entertainment, constate Daniel Bélanger. Ça reste aussi le bon vieux concept du rêve. Et j'adore cet aspect-là.»

Son séjour à Nashville, où il a enregistré des violons avec l'arrangeur Carl Marsh (Emmylou Harris, Amy Grant et bien d'autres), risque aussi de modifier son approche de la scène. Là-bas, dans un bar de la célèbre Music Row, il a été soufflé par un concert des Time Jumpers et leur façon de se présenter au public, sans aucun flafla.

Du coup, Daniel Bélanger n'a pas seulement très envie de remonter sur scène, mais aussi d'abattre le mur qui le sépare du public. «Ça me ferait du bien d'enlever l'espèce de château construit artificiellement autour d'une personne qui chante sur scène», croit-il. Quelle forme prendra sa tournée? Il ne le sait pas. On ne serait pas étonné de le voir choisir de petites salles où il pourrait s'installer pour plusieurs soirs.

Nashville, le country, l'univers du rockabilly, tout ça a nourri Daniel Bélanger. «À tous points de vue», insiste-t-il. Cette simplicité volontaire, bien ancrée dans une recherche esthétique, lui a visiblement donné une soif encore plus grande de liberté.

2. La voix sur sa voie

Daniel Bélanger s'est joint, il y a quelques semaines, à l'équipe d'Ariane Moffatt dans le cadre du populaire concours de chant La voix. Sa participation à cette émission a surpris, compte tenu des atomes crochus qu'il n'a pas avec le cirque médiatique. Daniel Bélanger n'est pas le plus kid kodak des artistes québécois. Néanmoins, l'étonnement qu'on manifeste l'étonne un peu.

«Depuis mes débuts, j'essaie toujours de me trouver là où on ne m'attend pas. D'être juste un peu à côté», explique-t-il. L'auteur-compositeur-interprète a le sentiment d'afficher ce goût pour les pas de côté depuis deux décennies. Ne pas le voir avancer en ligne droite ne devrait donc pas être surprenant, selon lui. «J'aime bien étonner, résume-t-il, avec mes albums et avec une participation comme celle-là.»

Daniel Bélanger raconte avoir été pressenti pour jouer un rôle plus important dans l'émission, mais il a décliné l'offre. «Coach, c'était impossible pour moi. Je n'ai pas de patron à l'année longue et pas d'horaire, ce qui fait que j'ai un peu de problème à me retrouver quelque part à heures fixes, tous les jours. Et aussi avec l'idée de tourner 150 heures pour n'en garder qu'une.»

Or, cette grosse machine télévisuelle l'intriguait. Les motivations des participants aussi. «Je ne l'ai pas fait parce que c'était payant, glisse-t-il. Je suis juste allé voir.»

La perspective de collaborer avec Ariane Moffatt, qui a joué à ses côtés pendant une partie de la tournée Rêver mieux, a aussi pesé dans la balance. «Ce que j'allais être avec Ariane, c'est ce que je suis dans la vie», prévoyait-il.

Daniel Bélanger, qui a fait sa première apparition à Star Académie au printemps 2011, estime qu'il ne faut pas percevoir tous les gestes que fait un artiste comme une prise de position. «Ceux que j'aime voir chanter, je me fiche que ce soit à Canal Vox ou ailleurs», dit-il, tout en faisant remarquer qu'il n'est jamais allé à Belle et Bum.

«Contrairement à ce qu'on peut penser, ajoute-t-il, quand quelqu'un ne va pas quelque part, ce n'est pas un statement. C'est juste qu'il n'y va pas. Y aller, ce n'est pas plus un statement. Tout ne nous intéresse pas au point d'avoir une opinion sur tout...»

3. Contaminé par le théâtre?

Fin avril, le TNM présentera Le chant de Sainte Carmen de la Main, deuxième collaboration du trio formé de Michel Tremblay (texte), René Richard Cyr (adaptation et mise en scène) et Daniel Bélanger (musique). Un coup d'oeil sur la discographie récente du chanteur incite à se demander à quel point son travail au théâtre contamine ses disques.

Pour Belles-soeurs, il s'était inspiré du son Motown, parce que cette musique «faisait partie du décor» à l'époque où se déroule l'histoire. Nous, album créé au cours de la même période que les musiques du spectacle, misait justement sur la soul et le funk. Carmen, personnage principal de son prochain musical, est une chanteuse western. Coïncidence? Daniel Bélanger publie mardi un disque teinté de rockabilly, style influencé par la musique country.

«Je suis obligé de dire qu'il n'y aura ni musique western, ni country, ni rockabilly dans Le chant de Sainte Carment de la Main, dit le principal concerné. Carmen va à Nashville parce que Maurice l'envoie parfaire son yoodle, c'est le seul rapprochement que je peux faire à ce jour.»

Daniel Bélanger se montre une fois de plus ravi par ce travail de composition. «Entendre mes musiques chantées par un choeur de 12 femmes, ça comble mes rêves de compositeur. C'est très satisfaisant d'écrire pour les autres et de pouvoir contrôler le résultat», précise-t-il.

L'auteur-compositeur-interprète ne dirige toutefois pas toutes les répétitions musicales. Monique Fauteux, qui fut notamment de l'aventure d'Harmonium, se chargera d'une partie de la direction du choeur. L'une des choses qui passionnent Daniel Bélanger dans son travail au théâtre, c'est la possibilité de créer le cadre sonore d'une histoire.

«Il y a un peu de mise en scène dans ce que je fais, signale-t-il avec plaisir. Ce que René Richard Cyr fait avec le jeu, je le fais avec la musique.»

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Daniel Bélanger. Chic de ville. Audiogram. En magasin mardi.