Paru il y a près de deux ans, l'album Too Beautiful to Work fut applaudi. The Luyas accédaient alors à l'élite de la mouvance anglo-montréalaise, ce qui justifie largement l'intérêt que nous devons porter à l'endroit d'Animator, troisième opus de la formation et matière principale d'une rentrée locale imminente.

À peine rentrés de New York où le groupe s'est récemment produit (CMJ Music Marathon), Pietro Amato et Jessie Stein, respectivement corniste et chanteuse, font le point sur la trajectoire des Luyas.

«Nous voulions qu'Animator soit différent. Et il y a des différences: dans le personnel, dans la manière de jouer. Mathieu Charbonneau assure cette fois le rôle de bassiste. Le batteur Stefan Schneider a quitté le groupe en janvier dernier, Mark «Bucky» Wheaton l'a remplacé quelques semaines avant que nous entrions en studio. L'instrumentation est aussi relativement différente; par exemple, on trouve beaucoup moins de moodswinger, instrument à 12 cordes qui fut central dans l'album précédent»,  explique Pietro Amato.

«Les progressions harmoniques, d'ajouter Jessie Stein, suivent un mouvement différent. Sur l'album précédent, les suites d'accords étaient plus rudimentaires alors que les son semblaient plus bizarres. Et... je chante beaucoup mieux qu'avant! (rires) Pour moi, interpréter ce nouveau répertoire est plus naturel, plus charnel également.»

The Luyas ont signé eux-mêmes la réalisation de cet Animator. Toutefois, le mix est de Jace Lasek, propriétaire du studio Breakglass et musicien central du groupe The Besnard Lakes.

«Avec Jace, relate la chanteuse interviewée, nous avons vraiment bien travaillé. Je trouve cool qu'il soit plus âgé que nous, car le rock est devenue une forme classique. Je comprends mal que le rock se colle encore à ce point sur la jeunesse et le look sexy. Dans d'autres formes d'art, l'âge impose le respect et les praticiens peuvent prendre de l'âge tout en faisant évoluer leur esthétique et leur langage. Pourquoi pas dans le rock?» questionne Jessie Stein.

Devinant la réponse, on lui demande plutôt de choisir quelques titres d'Animator et d'en illustrer le propos. Elle s'exécute:

«Montuno, la première chanson de l'album, me permet de mieux m'exprimer sur cette existence qui ne veut rien dire mais à laquelle je tiens tellement. Pendant son écriture, j'ai vu plusieurs films de Fellini et j'ai lu une longue interview de lui, dans laquelle il aborde la notion de l'impossible magnifique. En abordant des thèmes superbes qui n'ont pas de sens en soi, Fellini nous fait percevoir l'art dans l'existence. À mon tour, je tente humblement de le faire à travers une chanson comme Montuno.

«Dans le même ordre d'idées, Earth Turner et Channeling sont de type quixotic. Vous avez un équivalent français? L'expression anglaise évoque les gestes à la fois lyriques et absurdes de Don Quichotte. Ces chansons suggèrent une manière voir le monde, c'est-à-dire utiliser la fiction afin comprendre ce qui demeure important en nous... même si ce n'est pas vrai. Ainsi, je veux me donner le droit de croire à des choses sans aspirer à la vérité.»

À citer de tels propos, il apparaît évident travail chansonnier de Jessie Stein et ses collègues n'ont rien à voir avec la culture rock de consommation rapide, jetable après usage.

«J'aime m'imprégner d'un nouvel album, l'écouter cent fois plutôt que d'en écouter tout plein, soulève-t-elle. Lorsqu'un album est fait pour toi, quelque chose de spécial se produit. Ça prend ton coeur et ça le met devant tes yeux! C'est pourquoi je ne suis pas intéressée par la musique pop immédiate, qui se bat désespérément pour attirer l'attention. Qui fait usage d'une surcharge d'accroches, sans faire confiance à la capacité d'écoute des gens.»

Aux étourdissements en surface, The Luyas et leur chanteuse préfèrent visiblement l'ivresse ... de la profondeur.

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The Luyas se produisent mardi prochain, 20h, au Cabaret du Mile-End. Fiver assure la première partie du programme.