Benjamin Biolay publie lundi l'album français le plus attendu de cette rentrée, Vengeance, un disque virtuose où s'entrechoquent la chanson, le rap et la new wave et qui devrait confirmer le succès de La superbe, que son auteur voit pourtant comme un «épiphénomène».

QUESTION: Vengeance donne aussi leur titre à deux chansons de l'album. Pourquoi?

RÉPONSE: Pour moi, en tant que parolier, vengeance est un trompe-l'oeil de la langue française, parce que c'est un mot très beau, qui sonne très bien. Je voulais, via ces morceaux, complètement désamorcer l'idée d'une véritable vengeance, en disant que la plus belle vengeance possible, c'est de vivre dans un pays chaud avec les gens qu'on aime, pour moi en tout cas.

Q : Vous avez voulu rassembler toutes vos passions sur cet album?

R : Oui, je me disais qu'il fallait que je puisse mettre mon album au hasard sur mon ipod et qu'il n'y ait pas de truc avec un nez rouge qui déboule, que ce soit cohérent. J'ai fait l'expérience un petit moment, mais c'était trop long, il y a trop de chansons sur mon ipod. C'est aussi le disque que j'aurais bien aimé être capable de faire à 17 ans. Des chansons comme Marlène déconne ressemblent un peu à ce que je faisais avec mon premier groupe.

Q : Comment parvient-on à rendre cohérents tous ces éléments?

R : La cohérence, elle s'impose quasiment: c'est la voix et les textes, ce ne sont que des chansons d'amour. Évidemment, il y a des sons, des instruments qui doivent revenir un peu tout le temps. Ça, c'est dans la finition, c'est comme dans le cinéma avec le montage, le mixage, la postsynchronisation.

Q : C'est aussi un album de collaborations.

R : Pour moi, c'est ça aussi la cohérence de ce disque. Hormis pour Orelsan et Oxmo Puccino, dont j'avais vraiment envie qu'ils viennent chanter avec moi, toutes les autres personnes présentes sur Vengeance sont des proches collaborateurs. Vanessa (Paradis, ndlr), je produis son disque, Carl Barât (ex-leader des Libertines, ndlr), je produis une partie de son disque, Julia Stone, on avait fait un duo ensemble, Gesa Hansen faisait déjà les choeurs sur La superbe. Ce sont les magnifiques hasards de la vie et quelques envies légitimes.

Q : Il est rare qu'on entende autant les cuivres chez vous.

R : Pourtant, je viens de là, du trombone. Il a fallu que je me réconcilie avec. Quand vous jouez des cuivres toute la journée pendant des années et que vous passez à une autre activité, la dernière chose dont vous avez envie, c'est d'entendre un trombone. L'utilisation des cuivres par Saalam Remi ou Mark Ronson - même si je ne suis pas sûr qu'il fasse lui-même ses disques - m'a vraiment donné envie de m'y remettre.

Q : Avec le succès de La superbe, vous êtes passé du statut d'artiste qui divise à celui que tout le monde acclame. Comment l'avez-vous vécu?

R : Je divise quand même. Il faut diviser de toute façon. La superbe, c'est sans doute un épiphénomène. Je ne me souviens plus de ce qui est sorti à ce moment là, mais peut-être qu'il n'y avait que des trucs inintéressants et que c'était le disque français qui arrivait au bon moment. Tout ça est très conjoncturel. Je ne considère pas avoir changé de statut.

Q : Avez-vous ressenti l'obligation de rééditer ce succès?

R : Non, j'ai 40 ans, ce n'était pas mon premier album. Je crois qu'il faut casser les joujous. C'est trop tentant de refaire la même chose, ce sera toujours moins bien de toute façon. Au moins, j'ai fait un gros succès sans un gros tube tout pourri qui me mettrait dans une merde épouvantable. Mon ami Raphaël que j'admire beaucoup, je vois que les gens ne savent pas si c'est du lard ou du cochon à cause de Caravane. C'est le danger du tube qui écrase tout le reste et qui donne une image brouillée de l'artiste. Il a dû être très heureux, très flatté et surtout ça doit faire plaisir de gagner autant d'argent et de pouvoir être propriétaire. Mais chaque bénédiction a sa malédiction».