Mardi soir, les enfants couchés, Diana Krall a acheté sur iTunes son nouvel album Glad Rag Doll, sorti le jour même, et elle l'a écouté sur son iPod avant de se mettre au lit. «Et ça m'a vraiment plu», nous a-t-elle dit, hier matin, au sujet de ce disque dont la musique et la pochette vont étonner plusieurs fans de la célèbre chanteuse et pianiste de jazz. Explications.

L'album Glad Rag Doll, dont Diana Krall parle comme d'un tournant dans sa vie et sa carrière, n'aurait probablement jamais vu le jour si André Ménard ne l'avait pas invitée au Festival de jazz l'an dernier pour «casser» le concert solo, insiste-t-elle au téléphone.

Elle aimait d'un amour profond les vieilles chansons repiquées des 78-tours de son père qui constituaient l'essentiel de ce concert, mais n'avait pas vraiment le goût de se lancer dans une tournée solo qui s'éterniserait. C'est alors qu'elle a eu un flash: tant qu'à faire quelque chose de différent qui ne baigne pas dans la nostalgie, pourquoi ne pas le faire avec le brillant réalisateur T Bone Burnett, un bon ami de son Elvis Costello de mari? Elle s'est donc retrouvée en studio avec des pointures d'un autre genre musical que le sien pour réinventer ces chansons d'une autre époque en toute liberté.

Quand la guitare enrouée de Marc Ribot, la basse de Dennis Crouch et la batterie de Jay Bellerose s'invitent dans There Ain't No Sweet Man That's Worth The Salt Of My Tears, une chanson de 1928, l'univers musical de Diana Krall s'en trouve transformé. «Quand Marc nous est arrivé avec ce petit quelque chose à la Howlin' Wolf, j'ai fait oh! on est loin de la collection de 78-tours de mon papa, mais j'aime vraiment ça. C'est tellement bon!»

La chanteuse et pianiste a toujours voulu travailler avec Ribot.

«Il peut jouer de tout, du jazz, du punk. C'est le musicien le plus incroyable avec lequel j'ai travaillé. Il possède une énergie et une intensité qui me conviennent tout à fait.» Elle est tout aussi impressionnée par la forte personnalité et l'éclectisme de ses autres nouveaux complices, dont le batteur Bellerose qui, dit-elle, aime tout, de Chick Webb à Ramsey Lewis. «Je n'ai pas voulu aborder cette musique comme on le ferait avec des standards joués par des musiciens de jazz. Je voulais la rendre juste un peu punk et lui donner le mordant de ces musiciens. Dans Lonely Avenue, Ribot s'est mis à jouer de la guitare avec ses clés d'auto et c'était vraiment la chose à faire! En plus, T Bone est le magicien vaudou qu'il nous fallait.»

L'artiste canadienne en parle comme de la plus forte sensation de sa carrière puis l'instant d'après elle se remémore celle, inégalée, qu'elle a vécue en accompagnant Paul McCartney sur son album Kisses on the Bottom l'an dernier. Le même McCartney qui, récemment, l'a fortement encouragée à plonger tête première dans l'aventure de Glad Rag Doll. Désormais, tout semble possible pour Diana Krall, dont le rêve ultime serait de travailler avec Woody Allen.

À Montréal en lumière

Hier matin, Diana Krall n'avait pas encore décidé quels musiciens l'accompagneront à Wilfrid-Pelletier le 26 février dans le cadre de Montréal en lumière. Peut-être jouera-t-elle alors avec le groupe qui l'accompagne en Europe: Bellerose, Crouch, le claviériste Patrick Warren (Fiona Apple) et le jeune guitariste Aram Bajakian (Lou Reed, John Zorn) que Ribot lui a chaudement recommandé. Chose certaine, sa musique sera accompagnée de films d'archives, dont certains de George Méliès. «Ce n'est pas un concert de jazz, ça ressemble plus à un spectacle de vaudeville.»

Justement, cet album et surtout la chanson-titre Glad Rag Doll lui ont été inspirés par une grand-tante, véritable légende dans sa famille, qui était une artiste de vaudeville dans le New York des années 20. C'est pour être fidèle au texte de cette chanson qu'elle a posé dans une tenue affriolante pour la pochette et le livret de cet album. Tant qu'à évoquer les danseuses des Ziegfield Follies de l'époque, elle tenait à s'éloigner du cliché de la robe flapper et du charleston pour explorer le côté sombre d'une petite femme tatouée.

«Ces photos, c'est comme un film. Les cyniques diront peut-être que j'ai fait ça pour vendre des disques, dit-elle. Laissons-les parler. Dans des films comme Chicago et The Great Gatsby ou encore dans la série Boardwalk Empire, on voit des femmes vêtues de façon provocante qui sont les témoins d'une époque et d'un lieu précis. Et puis ça m'a amusée de me déguiser.»

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Diana Krall, à Wilfrid-Pelletier, le 26 février 2013. Billets en vente demain midi.