À l'aube de la cinquantaine, Bruno Pelletier présente son 11e album, son plus «organique» et aussi son plus personnel. Rencontre avec un artiste serein qui continue son grand tour de lui-même.

Après 30 ans de carrière dont 25 sous la loupe des médias, 25 ans au cours desquels il s'était promené de l'avant-scène des musicals au sommet des palmarès, Bruno Pelletier avait «l'impression d'avoir fait le tour». Le tour de la business, le tour des continents, le tour de l'auberge, de Montréal à Paris.

Allait-il chercher ailleurs, dans un autre métier ou un autre monde, la voie de la dernière moitié de sa vie d'homme? Son fils arrivait à 20 ans et lui, à 50... À 40, encore dans le tourbillon, il n'avait rien senti, mais là, c'était différent. Le questionnement existentiel interpellait l'homme autant que l'artiste, mais pas au point de parler de crise.

«Je n'ai jamais eu peur que l'on m'oublie. Ma grande crainte, c'est de tourner en rond», nous dira Bruno Pelletier en présentant l'album Rendus là, où tout évoque le temps qui passe: de la tignasse grisonnante du chanteur qui apparaît sur la pochette en veston-cravate au mécanisme d'horloge dont le cadran en colimaçon indique 11h. Parce que Rendus là est son 11e album. Et son plus personnel.

Très personnel... «Tout est parti d'une ébauche de chanson que j'avais faite pendant la maladie de mon père, décédé depuis. Mais je n'avais jamais été capable de la finir...» Cette histoire de fin de vie s'est développée pour donner, sur une très belle mélodie de Sylvain Michel, la pièce Blues blanc - «C'est le blues blanc, vert ou bleu/C'est le blues blanc des blouses blanches» - où un fils éploré remercie le personnel hospitalier qui a prodigué au mourant soins et réconfort.

Chacune des 12 pièces de Rendus là a été conçue de la même manière «organique», selon le mot de l'auteur-compositeur-interprète. «J'ai réuni des musiciens que je savais capables de travailler ensemble. On s'enfermait en studio où on travaillait les sons inspirés de certaines textures de la pop britannique - Adele, par exemple. On essayait des affaires, on modifiait, on répétait et puis bang! on enregistrait.»

«Il faut de l'ouverture pour travailler de cette façon-là», insiste Bruno Pelletier qui, pour la première fois en tant que réalisateur unique, avait le «veto» final sur les arrangements de ses musiques et de celles, entre autres, de Marc Dupré, de Corey Hart, de Martine St-Clair et de Catherine Major qui, dira-t-il, représente la «gauche musicale».

L'interprète de Miserere (1997) a employé la même approche pour les textes où la relation «organique» n'implique que deux personnes: l'auteur et l'interprète-réalisateur. «Aux gens qui m'avaient contacté, j'avais expliqué la direction que je voulais donner à l'album: comme des lettres que j'écrivais à des gens. Certains textes, comme Je m'écris de Roger Tabra, ont été enregistrés tels quels; pour d'autres, j'ai demandé à l'auteur de le réécrire ou je me suis investi totalement dans le texte qu'on a signé à deux.»

Après la musique en collégialité et les textes en collaboration, la chanson ne prend vie que par la voix du chanteur, ici la voix puissante de l'inoubliable Gringoire de Notre-Dame de Paris qui admet d'emblée que Le temps des cathédrales a contribué à le cataloguer comme un «chanteur à voix». «Les comédies musicales sont conçues pour exploiter la puissance vocale des interprètes: c'est comme ça... Mais moi, je me suis toujours battu contre cette étiquette en exploitant sur mes disques la plus vaste palette vocale. Comme un acteur capable de passer du comique au dramatique...»

La palette de Rendus là est large à bien d'autres égards, avec des pièces dédiées à l'ami perdu dans les chicanes de la vie, au père et au fils, à la mère du fils et à la soeur, proche collaboratrice de Bruno Pelletier et survivante du cancer, chemin de courage qui a amené le chanteur à s'investir dans la Fondation québécoise du cancer dont il est le nouveau porte-parole.

Autre nouveauté: aux côtés de Johanne Blouin et de Jean-François Breau, il commence vendredi prochain sa carrière de coach à la nouvelle téléréalité musicale Un air de famille à la Télévision de Radio-Canada. «Je ne ferais pas un bon prof de chant, mais coach pour des gens qui veulent s'amuser, oui...»

Onze disques, 50 ans, une sérénité nouvelle qui le ramène à l'essentiel de la vie, qu'il soit plaisir ou souffrance: Bruno Pelletier est rendu là...

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BRUNO PELLETIER

Rendus là

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