Coral Egan reprend la route après s'est longuement tournée vers elle-même. Femme, mère, artiste: une tête, trois chapeaux; un coeur, trois combats.

À l'écouter, on se dit que le changement de cap relève plus de la volte-face que du simple virage. Oh! pas une volte-face politique où le ministre renie ses engagements de la veille, non. Coral Egan s'est juste retournée pour faire face à la vie. Avec le CD The Year He Drove Me Crazy, qui sort mardi, elle porte son regard ailleurs.

«Comme créatrice, je m'étais toujours concentrée sur le monde, à tenter d'expliquer les grands problèmes de la société», nous dira d'entrée la chanteuse en ce mardi matin où elle a le coeur un peu serré: elle vient d'accompagner sa fille à l'école pour la rentrée, la première de toutes, la mère de toutes les rentrées.

Des doutes

Lola est née l'année où Coral Egan a lancé Magnify (2007), qui n'a pas été reçu comme la chanteuse s'y attendait. En fait, rien dans sa vie du temps ne s'est passé comme elle l'aurait souhaité. Et elle s'est mise à douter de sa place dans le monde de la musique, de sa place dans le monde, point. «J'étais incapable de conjuguer mes rôles de mère monoparentale et de créatrice, j'avais perdu confiance en moi et j'avais peur de demander de l'aide.» Pour finir le plat, elle se retrouve avec des polypes sur les cordes vocales: «Je n'étais même pas capable de chanter des berceuses à ma fille...»

Désorientée, défaite, la chanteuse décide de se retirer de la scène. Totalement. Pour partir à la recherche d'elle-même. Pour se refaire la tête et retrouver sa voix. L'opération chirurgicale réussit et elle en sort vocalement plus capable qu'avant, «plus libre». La confiance nouvelle se manifeste bientôt dans la plume et des chansons commencent à prendre forme.

«Ce n'était rien encore de structuré, précise-t-elle. J'écrivais en m'inspirant de ma propre vie, comme le fait Carole King avec la vérité simple des choses.» Elle fait la rencontre de l'auteur Albert Chambers qui lui fait préciser sa pensée, oriente ses histoires chansonnières de manière «plus pop». Désormais capable de partager le «contrôle» de ses productions, Coral Egan commence à donner vie à ses chansons dans un nouvel entourage musical où se retrouvent le batteur Robbie Kuster et le bassiste Mishka Stein, tous deux du band de Patrick Watson, le pianiste Jon Day et le beatboxer Jason Levine.

La «bonne équipe»

Après quelques tâtonnements, la «bonne équipe» a cliqué, le temps d'enregistrement-studio alloué par Justin Time est passé de trois jours - «comme pour un disque de jazz» - à une semaine, au bout de laquelle est sortie cette production collégiale intitulée The Year He Drove Me Crazy. Coral Egan sera toujours la fille de sa mère Karen Young, mais il ne s'agit pas ici d'un disque jazz. D'ailleurs, au-delà du thème de l'introspection, il est difficile de réduire ce disque à un style. «Chaque chanson occupe son espace propre», explique la chanteuse qui, après avoir remis en question la place de la musique dans la société, semble avoir trouvé une nouvelle approche à la relation chanteuse-auditeur et, conséquemment, à la relation performer-spectateur, comme on pourra le constater à la Sala Rossa le 2 novembre prochain.

Entre-temps, sur disque, Coral Egan repousse les limites de l'approche «regards sur ma vie». Son amoureux apparaît sur la pochette, main dans la main avec la chanteuse dans une ruelle du Mile-End; à l'intérieur, l'embrassant en chevauchant une moto BWW des années 70; et deux fois dans le livret dans ce que d'aucuns pourraient considérer comme «la plus stricte intimité». Vahé Yegoyan a conçu ladite pochette et chanté dans certaines pièces en plus d'être l'un des coproducteurs du CD de celle qu'il a rendue folle.

POP

CORAL EGAN

The Year He Drove Me Crazy

Justin Time

En magasin mardi