Pour Jim Cuddy, la différence entre un concert du groupe torontois Blue Rodeo et celui qu'il donnera avec son propre groupe au Théâtre Maisonneuve vendredi, c'est que tous les regards seront tournés vers lui du début à la fin du spectacle.

«Avec Blue Rodeo, je regarde la foule tandis que là, je suis plus concentré sur le spectacle, sur les chansons que je chante, raconte Cuddy au téléphone. Je n'ai pas Greg (Keelor, l'autre guitariste-chanteur de Blue Rodeo) pour me donner un moment de répit et jouer les maîtres de cérémonie. Je perds un peu le contact avec le public, mais je compense en lui parlant davantage.»

La tournée Skyscraper Soul, du nom de l'excellent troisième album solo de Cuddy, qui est une déclaration d'amour aux grandes villes dont Toronto, tire à sa fin. Comme sur l'album, Cuddy a greffé au groupe de musiciens, avec lesquels il travaille depuis 14 ans, le trompettiste Bryden Baird. «Je me suis demandé si je pouvais me payer un autre musicien, mais la trompette est un instrument tellement fantastique qu'elle change nettement le ton de ce qu'on fait.»

Tous les musiciens de Cuddy ont collaboré un jour ou l'autre à Blue Rodeo, mais jamais autant que Bazil Donovan, la pierre angulaire des deux groupes que Cuddy qualifie de meilleur bassiste qu'il connaisse: «Quand je suis confus à propos d'un tempo ou d'un arrangement de chanson, je peux lui demander son avis ou même le lire sur son visage.»

Du film au disque

La genèse de Skyscraper Soul se trouve dans la musique que Cuddy a écrite pour le court métrage Four Sisters, produit par sa femme Rena Polley, scénariste et actrice à ses heures. Auparavant, Cuddy avait tenté d'aider Keelor à écrire la musique du film Gunless, mais ce qu'il pondait ne correspondait pas à ce que son vieux pote avait en tête. Deux de ses compositions se retrouvent donc sur Skyscraper Soul: Don't Know That Much et la jolie pièce instrumentale City Birds.

Water's Running High, une chanson aussi chaude qu'intense, avec solos de trompette et d'orgue, a été enregistrée spécifiquement pour la fin de Four Sisters. Elle a incité Cuddy à faire de la trompette un instrument essentiel de son album solo. Il a aussi puisé dans ce qu'il nomme joliment le «musée musical» dans sa tête. Il s'est aussi bien inspiré du regretté Harry Nilsson (Don't Know That Much) que de Simon&Garfunkel (How In The World). La chanson qui a surtout retenu l'attention est sans contredit Everyone Watched the Wedding où il met en scène des personnages qui en arrachent et qui semblent inspirés par le mariage du prince William et de Kate Middleton.

«Le gars dans la chanson n'est pas amer, il trouve ça beau, exaltant, ce mariage. Il a de drôles d'idées: il croit même que ces gens-là sont élus par une puissance supérieure. Mais vers la fin, il reconnaît qu'il ne sera jamais comme eux. Les Britanniques ont vraiment embarqué dans le mariage royal et pourtant, le lundi suivant, ils étaient au plus bas. Ce n'est pas une coïncidence s'il y a eu des émeutes à Tottenham peu après. Tu regardes autour de toi et tu te dis que tu ne t'en sortiras jamais, alors pourquoi pas lancer une brique?»

Les 25 ans de Blue Rodeo

La dernière fois qu'on a vu Blue Rodeo, l'été dernier au Métropolis, Greg Keelor s'était absenté à quelques reprises de la scène. «Greg a de graves problèmes auditifs et il doit quitter la scène pendant les chansons les plus bruyantes, explique Cuddy. Ça nous a amenés à redécouvrir les chansons plus tranquilles de Five Days in May. On ne peut pas risquer qu'il devienne complètement sourd.»

Ça ne compromet pas du tout la tournée du 25e anniversaire de Blue Rodeo, «très différente» promet Cuddy. Elle s'arrêtera dans 25 villes cette année. «Quand on a fait Five Days In May, on venait de boucler notre tournée la plus bruyante. On va réagir de la même façon. Il y a bien des façons de créer une scène très tranquille: Bon Iver n'a même pas d'amplis sur scène! On va utiliser un peu plus le guitariste Colin Cripps. Tant mieux si Greg peut rester sur scène pour chanter, mais il ne peut plus jouer un solo incendiaire.»

Pour fêter ses 25 ans, Blue Rodeo va relancer ses cinq premiers albums, d'Outskirts à Five Days in July, en y ajoutant des chansons inédites et de nouvelles versions, parfois embryonnaires, de chansons connues dont quelques-unes de Casino, confiées à l'époque à deux réalisateurs dont Geoff Emerick, l'ingénieur du son des Beatles. Ces disques et un DVD seront réunis dans un coffret ou disponibles à la pièce.

Jim Cuddy, au Théâtre Maisonneuve, le 10 février, à 19h30.