Le célèbre baryton gallois Bryn Terfel chantera Wagner avec l'Orchestre Métropolitain et son chef Yannick Nézet-Séguin demain après-midi à la Maison Symphonique. Puis il s'envolera vers New York où il jouera pour la première fois dans Siegfried, du même Wagner, mis en scène par Robert Lepage au Metropolitan Opera. Conversation avec un grand de l'art lyrique qui foule les mêmes scènes que Sting, Lady Gaga et Céline Dion.

La dernière fois qu'on l'a applaudi à Montréal, en 2007, Bryn Terfel avait proposé une «carte de visite» de tous les styles musicaux auxquels il a touché, mais depuis il s'est surtout consacré à Richard Wagner. Il a incarné pour la première fois le dieu Wotan à Covent Garden dans les deux premiers chapitres de la tétralogie Der Ring des Nibelungen (Das Rheingold et Die Walküre) et depuis un an, il a repris ce rôle avec panache pour Robert Lepage au Metropolitan Opera, où il jouera pour la toute première fois dans le troisième opéra, Siegfried, à compter du 27 octobre.

Demain, le prestigieux invité de l'Orchestre Métropolitain chantera justement deux airs du compositeur allemand: l'adieu de Wotan à sa fille Brünnhilde (ou abschied) dans Die Walküre ainsi que le premier monologue de Hans Sachs dans Die Meistersinger von Nürnberg, qu'il a chanté pour la première fois à l'Opéra National Gallois l'an dernier. Il n'est pas impossible qu'il ajoute également un air de Das Rheingold en rappel.

Le personnage de Hans Sachs, dont Terfel apprécie la palette d'émotions, le fascine au plus haut point, explique-t-il au téléphone depuis New York au terme d'une longue journée de répétition en prévision de la première de Siegfried au Met. «Le rôle de Wotan est l'un des plus exigeants, mais pour moi, Die Meistersinger, c'est le mont Everest. On peut mettre six mois à escalader le mont Everest et c'est comme ça que je me suis senti dans Die Meistersinger. Il fallait bien sûr que j'apprenne le rôle, mais aussi que je sois prêt à m'y investir physiquement. C'est une entreprise énorme... comme escalader le mont Everest.»

Boule de feu

Avant même de chanter avec l'Orchestre Métropolitain à la basilique Notre-Dame en mai 2007, Bryn Terfel avait participé aux débuts parisiens du maestro Yannick Nézet-Séguin l'année précédente. «Yannick est un musicien extraordinaire, lance-t-il dans un élan d'enthousiasme. Tom Jones [NDLR: un Gallois comme Terfel] a une chanson intitulée Thunderball, eh bien Yannick est une petite boule de feu! J'ai fait la connaissance de ce jeune blanc-bec à l'occasion de deux concerts organisés par madame (Jacqueline) Desmarais. Depuis trois ans, il a pris son envol et aujourd'hui, il est comme un aigle qui plane dans les hautes sphères de la musique. Tous les orchestres le veulent comme chef ou conseiller musical. Il est au sommet ici à New York et aussi à Salzbourg où il a connu un énorme succès, me dit-on. Mais il garde les deux pieds sur terre et c'est un chef merveilleux pour les chanteurs, à l'écoute de nos besoins. On a mis quelques secondes tout au plus à discuter du concept du concert dans votre nouvelle salle. Il y a évidemment une partie symphonique (Eine Alpensinfonie de Strauss), mais Yannick voulait une deuxième partie de programme entièrement consacrée à Wagner.»

Chanter Roxanne

Au pays de Galles, Bryn Terfel a mis sur pied le festival de musique Faenol auquel participent aussi bien des chanteurs classiques que des interprètes populaires. Depuis 2009, le contexte économique l'a forcé à annuler la présentation de ce festival qui, nous dit-il, pourrait renaître en 2012 à Londres dans le cadre du programme culturel des Jeux olympiques puis regagner le pays de Galles en 2013.

Le 1er octobre dernier, Terfel s'est mêlé aux Bruce Springsteen, Lady Gaga, Rufus Wainwright et Stevie Wonder au Beacon Theater de New York pour célébrer le 60e anniversaire de naissance à Sting. «Sting m'a vu chanter dans un concert avec Andrea Bocelli à Central Park, le 15 septembre, et il est venu me demander si j'accepterais de chanter Roxanne. Les fans de Sting ont été un peu surpris d'entendre une voix opératique chanter Roxanne, mais je pense qu'ils ont bien aimé ça. Quand est-ce que j'aurai une autre chance de chanter Roxanne au party du 60e de Sting? Jamais plus! Alors je n'allais surtout pas me laisser gagner par la nervosité, j'y allais pour m'amuser. Chanter Roxanne? J'adore! Plus jeune, j'étais un grand fan de The Police et ce fut l'expérience musicale la plus extraordinaire que j'ai vécue depuis un bout de temps.»

Au concert de Bocelli, Bryn Terfel a fait la connaissance de Céline Dion et de son imprésario de mari. «Elle était tout à fait gracieuse et amicale, très volubile et intéressante, raconte-t-il. Et René, son mari, avait l'air radieux dans son beau costume. Il faisait très froid et humide, mais il y avait tout de même plus de 70 000 spectateurs et quand Céline s'est amenée sur scène, ce fut la folie!»

Nézet-Séguin et Terfel dans une ode à la nature, à la Maison Symphonique, demain, à 16 h.