Treize opéras, treize univers, un seul spectacle. Avec Arias, Chants libres présente une rétrospective de ses 20 ans de création, un hommage à la voix humaine qui ressuscite un morceau de chaque oeuvre dans son contexte original.

Pauline Vaillancourt, directrice artistique de Chants libres, a fouillé dans les entrepôts de la compagnie qu'elle a fondée en 1991 pour en ressortir les costumes et objets scénographiques des 13 opéras d'ici créés durant cette période. Une belle occasion de se souvenir des circonstances ayant entouré les débuts de Chants libres.

«J'ai créé la compagnie à une époque où l'on se vantait qu'à Montréal, on faisait de la création d'opéra avec Nelligan, se souvient-elle. Mais ce n'était pas de l'opéra. La preuve, c'est qu'on a demandé à des chanteurs populaires de l'interpréter, et non à des chanteurs lyriques. Les compositeurs contemporains se disaient que ça n'avait pas de bon sens qu'on tienne ce discours, mais personne ne réagissait.»

Cette femme d'action, que les interprètes du spectacle qualifient de «force de la nature», a décidé d'agir.

«À l'époque, j'ai pensé qu'il manquait un outil pour que les compositeurs puissent écrire des oeuvres lyriques, dit-elle. Il fallait leur donner un moyen de se réapproprier cet art total qu'est l'opéra. Et aussi, leur permettre d'amener sur scène la recherche et le travail qu'ils font dans différentes directions avec la musique nouvelle. Il y a 20 ans, un opéra avec de la musique électroacoustique, c'était assez rare.»

L'art total

S'inspirant de Stravinsky, qui travaillait avec le peintre Paul Klee, la directrice de Chants libres incorpore les arts visuels d'aujourd'hui à ses productions.

«J'aime travailler avec ces artistes parce qu'ils viennent bousculer les scénographies traditionnelles, dit-elle. J'aime beaucoup être dérangée pour créer dans une nouvelle direction. Ça fait en sorte, par exemple, que l'opéra puisse vivre à l'intérieur d'installations visuelles.»

Dans cette perspective de défi constant, elle avoue être «exigeante envers les corps» des chanteurs. «Si l'on ne se met pas en état de défi, on devient ennuyant pour le public», dit-elle.

Fides Krucker et Marie-Annick Béliveau en savent quelque chose. Dans L'Archange, la première doit chanter dans une position ressemblant fort à la planche abdominale, exercice plus commun au gymnase que sur scène! Et pour Les chants du Capricorne, déjà un défi d'interprétation en soi, Marie-Annick Béliveau est soulevée dans les airs par un câble passé sous la poitrine.

«Pour un chanteur, c'est stimulant de relever des défis de cette taille, dit cette dernière. Ça nous pousse dans nos derniers retranchements. Pauline va chercher de jeunes chanteurs, dont certains se frottent pour la première fois à ce genre de répertoire, et leur donne l'occasion de faire preuve d'une créativité qu'ils n'auront pas la chance d'expérimenter ailleurs.»

Un autre public

Pour Michiel Schrey, ténor, l'opéra d'aujourd'hui, en intégrant différentes formes artistiques, va chercher un public plus varié que l'opéra traditionnel.

«Le mélange des arts qu'on y trouve peut attirer à la fois des amoureux de la voix, des amateurs d'art visuel, de danse moderne, de musique nouvelle et même de techno», dit-il.

En tout, 20 chanteurs participeront au spectacle. L'ensemble Bradyworks et le Nouvel Ensemble Moderne, dirigés par Lorraine Vaillancourt, assureront la partie instrumentale.

On entendra les extraits des opéras en ordre chronologique, de Ne blâmez jamais les Bédouins, de 1991, à L'eau qui danse, la pomme qui chante et l'oiseau qui dit la vérité, de Gilles Tremblay, créé en 2009.

Arias, Chants libres, Monument National, 14 mai, 20h.