En majeure partie, le quatrième album de Stefie Shock a été fait seul à maison, dans le studio intégré à son appartement montréalais. Au terme d'une gestation qui a duré plus de quatre années, La mécanique de l'amour exprime les qualités d'auteur, de compositeur, multi-intrumentiste et réalisateur d'un artiste pop qu'on ne savait pas homme-orchestre.

«Plus j'acquiers de l'équipement pour mon studio, plus j'ai de possibilités... et plus je travaille seul! Je compose seul, j'écris seul, j'enregistre la majorité des instruments seul. La batterie, la basse, les guitares, quelques claviers, quasiment tout. Près des trois quarts de cet album ont été faits sans l'aide de personne», résume le principal intéressé, rencontré entre les répétitions de son nouveau spectacle qu'il présentera aux prochaines FrancoFolies après l'avoir rodé à l'extérieur de Montréal.

Avec le soutien du coréalisateur Mathieu Dandurand et de plusieurs collègues dont Susie McLelove et Steve Scala, La Mécanique de l'amour a été finalisé.

Stefie Schock rappelle que Dandurand  fut d'abord son guitariste de tournée avant de choisir la carrière de réalisateur.

«Pour cet album, précise son employeur, il y a joué plus de claviers que de guitares, parce qu'il est meilleur claviériste que moi. En tant que coréalisateur, il est venu habiller ce que j'avais fait à la maison. Ça m'a sorti un peu de ma subjectivité!   On a travaillé fort, ça a été dur mais au final, je peux dire qu'on a eu du plaisir. Notre complicité est très bonne.»

Les vendredis, dernier album studio de Stefie Shock avant la sortie de celui-ci, fut lancé en 2006. En 2009, il décidait de recycler son matériel avant de créer de nouvelles chansons. Il amorçait ainsi un cycle musical marqué partiellement par l'esthétique technoïde en suggérant l'album Tubes, remixes et prémonitions. Un déclencheur, force est de déduire:

«L'été dernier, je me suis retrouvé avec plein de synthés comportant des sonorités incroyables. Je n'avais jamais vraiment manipulé de synthétiseurs. Je me suis mis à jouer avec ça comme un enfant, j'en ai mis partout! Je trippais sur ces sons mais je voulais aussi des instruments. Des rythmes programmés mais aussi de la vraie batterie.»

Adolescent et jeune adulte, Stefie Shock était batteur dans des groupes rock auxquels participait d'ailleurs Richard Labbé, collègue de La Presse.

«La chanson Karma, raconte notre interviewé, prend sa source dans une vieille composition créée de concert avec Richard, un vieux chum de rock, guitariste gaucher comme moi. Ce qu'il composait dans le temps, vous savez, c'était vraiment accrocheur!»

La mécanique de l'amour , tient à préciser Stefie Shock, n'est pas un thème décliné dans toutes les chansons ce quatrième opus.

«Dans la chanson-titre de l'album, j'essaie de décortiquer ce qu'il y a de sain et de malsain dans l'amour. Je risque une proposition. Pourquoi est-ce devenu la chanson titre ?  J'aurais trouvé plus élégant de trouver un titre d'album qui n'est pas celui d'une chanson mais je n'ai pas réussi. Plusieurs chansons n'ont rien à voir avec cette idée.»

Sur le le même thème, on trouve néanmoins quelques variations, dont Un jour sur deux: «J'y décris une relation morte parce qu'une des deux personnes a mystérieusement disparu. C'est la détresse psychologique de la personne qui cherche l'autre.»

Je brise, chérie s'inscrit également dans le même sillon: « Je m'y amuse à déconstruire les conjugaisons et les temps de verbes afin de décrire une relation tordue; l'histoire d'une fille qui rend la vie très compliquée à son partenaire, exercice de style au futur intérieur, au passé compliqué, etc.»

Dévaste-moi, reprise de Brigitte Fontaine, entre aussi dans cette catégorie. «Le texte est délirant... et à la fin de la version originale, Fontaine dit «Mais c'est qu'il le fait la brute!» Personnellement, je préfère m'en tenir aux images que suggère le feu de l'action.»

Le reste de l'album n'a plus grand-chose à voir avec toute mécanique de l'amour. Stefie Schock explique:

«Bright Side of the Moon, c'est l'histoire d'un gars sur la lune. Ça a été écrit dans des conditions délirantes!  Pour cette chanson écrite en anglais, j'avais contacté mon ami Dimitri Tikovoï, réalisateur de mon album Presque rien et d'une partie du Décor. Il a réalisé cette chanson avec moi, et j'ai fait appel à Maya Von Doll du groupe londonien Sohodolls afin qu'elle peaufine mon texte. De plus, elle m'a suggéré une mélodie pour le pont qu'elle a enregistré au studio de Dimitri. J'ai alors insisté pour qu'elle chante avec moi. On a fait ça virtuellement, ce fut le véritable point de départ de cet album.»

«Nénuphar est la ballade psychédélique que j'essayais de créer depuis huit ans, que j'ai réussie finalement avec mes amis. C'est un des textes dont le suis le plus fier. Histoire d'êtres minuscules qui vivent sur ma fleur préférée.

«Zobi la mouche, reprise des Négresses vertes, je la faisais jouer dans mes émissions de radio, quand je faisais DJ et je l'ai beaucoup jouée en concert. On m'a suggéré souvent de l'enregistrer, j'ai finalement essayé de la mener ailleurs.

«Le texte de Karma a été écrit avec mon ami Michel Brunelle. Le narrateur cherche fébrilement quelque chose. Il cherche quoi? Il ne met pas le doigt dessus mais ça urge. Une forme de détresse.»

La détresse fait partie de l'inconscient de Stefie Shock, et puisque l'inconscient de l'artiste parle lorsque l'inspiration est au rendez-vous, normal qu'il en soit question. D'où cette autre chanson écrite en anglais de concert avec Paul Cargnello, Middle of a Dream.

«Ça parle de drogue, de médicaments... puisque je prends moi-même des anxiolytiques Les troubles anxieux, vous savez, sont tentaculaires. Pour moi, ce fut épouvantable lorsque j'ai commencé à en souffrir il y a 20 ans.  Alors? Je me suis autorisé une petite confession psychiatrique. Ça passe par là mais ça raconte autre chose», confie le porte-parole de l'organisme Revivre - qui vient en aide à celles et ceux souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires.

Et pourquoi, au fait, quatre ans et demi entre Les vendredis et La mécanique de l'amour ? Stefie Shock ne niera pas son manque d'inspiration:

«J'ai passé deux ans et demi à jeter tout ce que je composais. C'était vide mais je n'attendais pas bêtement que ça vienne. Je travaillais... Quand j'ai eu l'impression que c'était bon, j'ai fait parvenir mon matériel à des amis proches qui en ont fait l'évaluation -India Desjardins, Michel Brunelle et Sylvain Lebel. Ces amis ne sont pas complaisants,  il m'ont fait chier souvent. C'était ça le deal!»

Mécanique de l'amour, de l'équilibre intérieur, de la création...