Joshua Bell a peut-être encore l'allure d'un jeune homme, mais à 43 ans, il a déjà presque 30 ans de carrière. Présentement en tournée dans 21 villes, il s'arrête à Montréal pour un seul concert, le 16 janvier, avec le pianiste britannique Sam Haywood.

Tous les ans, Joshua Bell entreprend une tournée qui lui permet de se consacrer à un répertoire plus intime.

«Ces tournées où je joue avec seulement un autre musicien sont l'un des moments les plus gratifiants de l'année, a-t-il confié récemment à La Presse lors d'un entretien téléphonique. Il est très exigeant de jouer ainsi pendant deux heures, mais c'est aussi tellement satisfaisant. Chaque fois, je présente un programme incluant quelques pièces que je connais déjà très bien et que je redécouvre, ainsi qu'au moins une nouvelle oeuvre que je n'ai jamais présentée auparavant.»

Dans le cas du présent concert, cette nouvelle pièce est la Sonate no 2 pour violon et piano en sol majeur, op. 13, de Grieg. «J'ai joué beaucoup de Grieg dernièrement, et je considère que cette sonate, que j'adore, est vraiment un chef-d'oeuvre que l'on n'entend pas assez souvent.»

Le programme, romantique à souhait, comprendra aussi la Sonate pour violon et piano no 2 en la majeur, op. 100 de Brahms, et la Fantaisie pour violon et piano en do majeur, opus 159 de Schubert.

Évoluer

La façon de jouer d'un musicien évolue toujours au cours d'une carrière. Le violoniste américain ne fait pas exception à la règle.

«La musique est un voyage permanent, où l'on apprend de multiples façons, et j'ai fréquenté bon nombre de musiciens qui ont eu une influence sur ma façon de jouer au cours des années, dit-il. Mon approche du violon est en constante évolution, mais je dirais que, comparé à il y a 20 ans, je regarde la musique de manière un peu plus analytique. Je comprends maintenant mieux pourquoi les compositeurs ont fait telle ou telle chose, alors que quand j'étais jeune, je jouais plus instinctivement.»

Il faut toutefois maintenir un équilibre entre le coeur et la tête, explique-t-il. «Le plus important dans la musique est qu'elle sonne de façon naturelle et honnête. Elle ne doit pas donner l'impression d'avoir été trop analysée. Toutefois, en vieillissant, je crois que je suis capable d'incorporer les connaissances que j'ai acquises à ce que je ressens instinctivement.»

Bien qu'il soit au sommet, acclamé sur toutes les grandes scènes du monde et couronné de nombreux prix, Joshua Bell affirme qu'il est son pire critique.

«Le danger d'une carrière à long terme, c'est d'en venir à se répéter, dit-il. Je ne prête pas beaucoup attention aux critiques et à la pression venant de l'extérieur, mais je me donne moi-même des standards toujours plus hauts. Je me lance le défi de constamment repenser ma façon d'interpréter, car si vous ne faites pas cela, vous pouvez donner à la longue l'impression d'être fatigué ou de manquer d'inspiration. Je ne veux jamais en arriver là!»

Compositeur

Mais quand on est une star internationale, que peut-on souhaiter de plus en tant que musicien?

«Il y a tellement de choses que j'aimerais accomplir, mais le temps, de nos jours, est la matière première la plus rare qui puisse exister! J'aimerais avoir le temps de composer de la musique. J'ai écrit mes propres cadences pour plusieurs des grands concertos, et de nombreux arrangements, mais mon rêve est d'avoir le temps d'écrire des oeuvres complètement originales.»

Quant à savoir à quoi ressembleraient de telles compositions, c'est une question encore irrésolue pour le violoniste!

«C'est difficile pour les compositeurs aujourd'hui, car on peut avoir l'impression que tout a déjà été dit, explique-t-il. J'ai grandi avec la musique de Brahms, de Beethoven et de Prokofiev. On ne pourrait plus essayer de composer ce genre de musique de nos jours sans que cela ressemble à de piètres imitations. D'un autre côté, la musique classique occidentale a atteint certaines limites, et trop de compositeurs essaient de trouver une nouvelle voix. Cela donne parfois des résultats qui relèvent du gadget. Composer est quelque chose qui demande de s'arrêter et de prendre du temps, mais c'est certainement un but que j'aimerais atteindre un jour.»

Joshua Bell, en concert le dimanche 16 janvier, à 14h30, salle Wilfrid-Pelletier. Le 15 janvier, à 17h, le violoniste rencontrera les élèves du Conservatoire de musique de Montréal (4750, rue Henri-Julien). Le public est invité à assister à cette rencontre, qui se déroulera en anglais (billets: 10$).