Après presque dix ans d'activité, dont six à donner des concerts autour de la planète, le groupe métal extrême montréalais Despised Icon tire sa révérence en donnant deux ultimes concerts au Club Soda, ce soir et demain, laissant des milliers de fans dans une sorte de deuil... La fin est aigre-douce pour Alexandre Erian, l'un des deux chanteurs/hurleurs du groupe, joint quelques heures avant le concert à Rimouski.

«On finit ça en beauté, mais je ne te cacherai pas qu'il y a pas un petit pincement au coeur. C'est clair qu'on est nostalgiques», avoue Alex Erian, qui a célébré ses 30 ans le mois dernier.

Des six musiciens de Despised Icon, il est probablement celui qui aurait le plus milité pour un autre album, une autre tournée même, avant de dissoudre le groupe. «On a vieilli, depuis le début. Des membres du groupe attendent leur premier enfant au début de la prochaine année. Passer nos années en tournée, à ne pas voir nos chums, notre famille, c'est beaucoup de sacrifices. Au moins, on part au sommet de notre gloire», se console le membre fondateur de Despised Icon.

Et comment: en dix ans, le sextuor, que la GAMIQ a honoré récemment en lui décernant le prix Panache Album métal de l'année pour le disque Days of Mourning - un titre prémonitoire - a eu le temps de passer à l'histoire, rien de moins. Non seulement est-il devenu le plus important groupe métal québécois du nouveau millénaire, celui qui a joui de la plus grande notoriété internationale, mais il a aussi pratiquement inventé un nouveau sous-genre de la scène métal, le deathcore, aujourd'hui adopté par de plus jeunes et plus fringants musiciens.

Cela explique en partie la dissolution du groupe, mûrement réfléchie, annoncée aux fans en avril dernier.

«Faut être réaliste, explique Erian. On n'est pas qu'un groupe métal. On est un groupe de métal extrême. Notre musique n'est pas accessible. C'est rapide, c'est pesant, on crie, c'est des blast beats dans le tapis, comme on dit en bon français. Le potentiel commercial est limité, et on est allés jusqu'au bout de ce qu'on pouvait faire sans compromettre notre identité.»

«Lorsqu'on a débuté, à nos premiers concerts, on se faisait huer, rappelle Erian. Les gens nous criaient de quitter le stage parce qu'on n'était pas métal. On ne pensait jamais sortir du Québec.» Vite repéré par le label montréalais Galy Records spécialisé en métal et métal extrême (Gorguts, Neuraxis, Beneath the Massacre, Martyr), le groupe a suscité l'intérêt de Century Media, label phare de toutes les choses rock menaçantes. C'était en 2005, année de la sortie internationale de l'album The Healing Process et, depuis, Despised Icon a parcouru les plus grandes scènes et festivals de métal, acquérant une notoriété qui a rayonné sur toute la scène québécoise.

Despised Icon tire sa révérence au bon moment, croit Alex Erian. Déjà, au début de 2010, certains membres du groupe disaient qu'ils auraient du mal à suivre le rythme de vie que les musiciens se sont imposé depuis cinq ou six ans.

«Aussi, j'observe ce qui se passe sur la scène, notre fin était presque inévitable. Je veux dire: qu'on aurait pu continuer avec d'autres musiciens pour remplacer ceux qui auraient voulu quitter le groupe, mais on n'est pas une équipe de hockey non plus. On ne peut pas toujours changer les joueurs, car ça se fait au détriment de l'identité et du son du groupe. Au moins, nous sommes restés les mêmes quatre membres jusqu'à la fin. Le temps était venu de lâcher prise, au lieu de devenir notre propre cover band

Alex Erian croit que l'expérience de Despised Icon en est une d'authenticité et de témérité.

«On n'a jamais fait les choses à moitié. Notre succès, on le doit au travail et à l'acharnement qu'on a mis pour atteindre les buts qu'on s'est fixés. On n'a pas arrêté: des tournées pendant six ans, 35 pays, là, on revient juste d'Asie et d'Australie, on termine avec deux soirs à Toronto, puis à Montréal. Peu de musiciens métal d'ici ont eu cette occasion-là. Du Mexique à Singapour, à la Russie, les Pays-Bas... On a gagné cette notoriété parce qu'on est acharnés. On a pensé à toutes les options pour la suite, prendre une pause et revenir, par exemple. Mais passer à un autre beat de vie n'aurait pas permis de garder ce projet en vie.»

Despised Icon, au Club Soda ce soir et demain, à 18h30.