Lance le sapin à Géraldine. C'est une chanson enregistrée en fin de soirée avec son ancien coloc Navet Confit que Géraldine est tombée dans la musique. Cinq ans plus tard, elle lance son premier album, des chansons irrésistiblement déjantées, accrocheuses et irrévérencieuses.

L'album de Noël d'Elvis tourne sur la table tournante. La collection de cagoules est accrochée au mur, pas très loin du Light Bright, qui est illuminé. Il y a des mégots dans un cendrier d'Expo 67 et un vieux radio-cassette Fisher Price.

Géraldine nous a reçus dans son petit studio du Plateau, cette semaine, pour parler de son premier disque, Sold-out capitalisme. Pour l'entrevue, elle a enlevé sa cagoule, qui masque le visage de la chanteuse de 28 ans en spectacle.

Déjà passionnée par les arts visuels, Géraldine est tombée dans la musique un peu par hasard, il y a cinq ans. La diplômée en recherche et animation culturelle à l'UQAM avait comme coloc Navet Confit. «C'était un bon ami à mon ex, ex, ex», raconte-t-elle.

Pendant les soirées qui s'éternisaient, Géraldine et Navet «jouaient à chanter». Un soir, ils ont enregistré une chanson intitulée Lance le sapin à Géraldine, l'ont mise sur MySpace. Puis le téléphone a sonné; le Quai des brumes était au bout du fil: «Géraldine, ce serait l'fun que tu viennes faire un show.»

Géraldine a fait un deuxième spectacle dans le cadre d'un événement étudiant («au National!» dit-elle encore en se grattant la tête) et un troisième dans le cadre de Pop Montréal. Puis grâce à une bourse du Conseil des arts est venu Sold-out capitalisme, réunissant toutes les chansons que Géraldine avait enregistrées au fil du temps sur les rythmes et les arrangements entraînants de Navet Confit.

Pourquoi se cacher le visage sur scène? «Au début, j'étais gênée; quelqu'un m'a suggéré de mettre une cagoule et je l'ai gardée, raconte Géraldine. C'est bien de créer un mystère. J'aime le contraste que ça fait avec ma voix de bébé.»

Il est vrai que Géraldine a le timbre de voix d'une jeune chanteuse nymphette. Mais ses chansons et son univers se rapprochent davantage de ceux de Philippe Katerine et Peaches: des chansonnettes électro (enrobées de noise) avec des textes irrévérencieux. «C'est catchy, mais les textes sont crus», résume Géraldine.

Dès la première chanson de Sold-out capitalisme, on tape du pied et on devient accro à la pop-trash de Géraldine. La chanteuse s'en prend aux fucking hispters, aux «déviants» de la mode, au bonheur des filles trop gentilles, ou encore à Gino Quilico.

«Navet, c'est vraiment facile de faire de la musique pop avec toi», lance Géraldine sur la jolie Enrôle-toi dans mes bras. Mais encore là, il y a de l'ironie dans le texte. Même chose avec Poisson rouge, qui pourrait être une belle vraie «ballade». Ce contraste et ce décalage font état du «gros paradoxe» de la vingtaine, du choc de nos jeunes aspirations avec la vie de tous les jours, explique Géraldine.

«J'ai fini mon bac en 2005 dans les carrés rouges de la grève étudiante, raconte-t-elle. J'étais impliquée dans le mouvement altermondialiste, mais à un moment donné, tu te rends compte que c'est difficile d'être cohérent. Regarde mon poêle à bois, tu me disais tout à l'heure en rentrant que j'étais chanceuse d'avoir un poêle et que mon appartement a quelque chose d'authentique... Mais ce n'est pas bon pour le smog.

«C'est un gros paradoxe, poursuit-elle. C'était la même chose quand j'ai eu un emploi comme serveuse dans un café branché et que des gens de mon entourage réagissaient mal... Le boss traitait super bien ses employés: pas besoin d'être une coop pour bien faire les choses», fait valoir Géraldine.

«Sold-out capitalisme, c'est un résumé de ma mi-vingtaine et du regard que j'ai sur ma vie, d'un point de vue honnête», résume-t-elle.

Musicalement, c'est aussi l'une des belles surprises de la fin de l'année. Pas mal, pour ce qui était au départ un «jeu» de fin de soirée. «Je n'ai pas trop d'attentes, dit Géraldine. C'est toujours les choses qui sont venues vers nous. Mais j'aimerais faire un peu de tournée.»

Sold-out capitalisme est en vente seulement en formant vinyle et MP3. https://geraldine.bandcamp.com/