Avec son projet Orchestrion, Pat Metheny a des allures de savant fou. Plutôt que s'entourer de musiciens, le guitariste a fait appel à une armée d'instruments mécaniques, qu'il anime pour faire naître un jazz raffiné et progressif, portant son empreinte.

Ce n'est pas d'hier que Pat Metheny est fasciné par les instruments qui fonctionnent sans musicien. Quand, enfant, il rendait visite à son grand-père maternel, il courait rapidement au sous-sol, où se trouvait un piano mécanique. Pendant toute la durée de sa carrière, il a cherché un moyen d'inclure cet intérêt dans sa démarche. Il y est enfin parvenu, comme on peut l'entendre sur l'album Orchestrion. Ici, pas d'ordinateurs, si ce n'est pour contrôler les engins. De véritables guitares, percussions ou vibraphones sont à l'oeuvre, sous la houlette du leader.

«C'est un rêve que j'ai depuis l'âge de 9 ans, confie l'Américain. Quand j'ai plongé là-dedans, je n'étais pas sûr que je pourrais atteindre certains niveaux. Mais lorsque l'album a été terminé, ç'a été un grand moment pour moi. Je me suis dit «c'est vraiment possible de faire ça.»

Sur la route

La prochaine étape pour Metheny était de partir sur la route, ce qui l'amènera au Québec pour la première depuis sa collaboration avec Roy Haynes et Dave Holland, en 1990. Car oui, il tenait à ce que le public voit son singulier ensemble à l'oeuvre. Il avait donc commandé aux inventeurs des pièces suffisamment solides pour être trimbalées cinq fois par semaine, d'une ville à l'autre. Le musicien ne le cache pas, il craignait des pépins. Or après plus de 120 représentations, tout s'est bien déroulé, tant sur le plan technique que sur le plan dramatique. Il faut dire que son équipement lui assure énormément de latitude: il dit pouvoir contrôler l'orchestre d'une quinzaine de façons différentes.

«Je peux partir de rien et bâtir un univers complet ou je peux partir avec beaucoup et en enlever graduellement. Imaginez-vous une jauge d'essence, vide à gauche, pleine à droite, et imaginez que je peux me retrouver n'importe où entre ces deux points à n'importe quel moment. De la même manière, je peux entrer dans la clé et le tempo qui me plaît.»

Une déclinaison de sa créativité

Pour atteindre pareil degré de liberté, le jazzman à qui l'on doit As Falls Wichita, So Falls Wichita Falls et autres Offramp doit faire beaucoup de travail en amont, question d'élaborer les partitions de ses pièces pour chacun des instruments. Et en tournée, au moins six heures sont requises pour mettre les machines au point avant les spectacles. Ça paraît beaucoup, mais Metheny, qui a l'habitude des aventures complexes, estime que c'est ni mieux, ni pire que ses autres projets.

Plus il joue avec ses robots, plus l'artiste de 56 ans entrevoit d'autres possibilités. Cela dit, il ne tourne pas le dos à son travail avec le Pat Metheny Group, son trio ou ses duos avec Brad Mehldau. À ses yeux, Orchestrion n'est qu'une autre déclinaison de sa créativité. Mais que pensent ses collègues jazzmen de cette troupe mécanique, qui trouve ses racines dans le XIXe siècle tout en appartenant au XXIe?

«Tout le monde sait déjà que je suis fou, rigole Metheny. Alors j'imagine que les gens se sont dit «c'est lui». Sérieusement, je crois que ça exerce une certaine fascination. C'est tellement bizarre, je crois que personne n'a tenté un truc pareil. Dans le jazz, les gens estiment la créativité et je crois que c'est ce que c'est: une nouvelle opportunité pour la créativité.»

Pat Metheny, le 12 octobre, à 20h, à la salle Maisonneuve de la Place des Arts; le lendemain, à 20h, au Capitole de Québec.