En février, en première partie impromptue du spectacle d'Ariane Moffatt à Montréal, le chanteur Yoav est entré sur scène avec sa guitare acoustique qui lui tient lieu de band pour interpréter quelques-unes de ses étonnantes compositions acoustiques ET électroniques, dansantes ET mélodiques. Nous l'avons rencontré le lendemain de cette performance, notamment pour nous entretenir de son nouvel album, A Foolproof Escape Plan.

Q Comment connaissez-vous Ariane Moffatt?

R Il y a environ un an et demi, je suis venu jouer au Festival de jazz de Montréal (NDLR: on avait même dû ajouter une cinquième représentation tant la demande était forte pour Yoav) et elle est venue chanter avec moi. Alors, quand elle a su que j'étais en ville (pour participer à Belle et Bum), elle m'a invitée à son tour à venir chanter.

 

Q Avez-vous été tenté, pour ce deuxième album, d'inviter des musiciens à jouer avec vous?

R Le problème, c'est que les gens ne croient pas que c'est moi qui joue tout (rires); parfois, je me demande si je ne devrais pas faire une erreur ou deux, intentionnellement, pour que le public réalise que je suis seul avec ma guitare et «the beast» (c'est ainsi que Yoav appelle le paquet de pédales et de micros qu'il utilise).

Une de mes craintes après le premier album, c'était d'être considéré comme un «gimmick boy», un musicien-gadget, et oui, j'ai été tenté de faire appel à d'autres musiciens pour le deuxième. Mais finalement, je joue tout sauf un peu de piano et de violoncelle. La vérité, c'est que je craignais de n'être pas capable d'interpréter mes morceaux seul cette fois-ci, parce qu'ils sont plus complexes. Et puis, j'y suis parvenu. Jouer seul a tellement d'avantages: je veux de plus en plus faire comme un DJ, c'est-à-dire réagir et improviser selon l'humeur du public.

C'est mon objectif depuis le début: jumeler le «songwriting», le fait d'écrire des chansons, et le «DJing», le fait de faire danser. C'est satisfaisant, faire danser toute une salle tout seul, par soi-même... Ça me permet d'aller jouer partout dans le monde facilement. Et de choisir mes morceaux en fonction du pays: en Russie par exemple, ils aiment particulièrement Angel and The Animal (tiré du premier album).

Q Comment décidez-vous de la façon dont vous allez placer votre voix dans telle ou telle chanson?

R De plus en plus souvent, quand je tiens le rythme et la mélodie sur ma guitare, je m'assoies et j'attends jusqu'à ce que j'«entende» comment chanter la chanson, quelle sera la voix que je vais adopter pour interpréter le morceau pendant peut-être les 20 prochaines années...

Q Pourriez-vous me parler de Safety in Numbers, que vous chantez avec une voix «falsetto», très haute?

R C'est une chanson qui parle de plein de choses, mais notamment de ce qui est presque une compulsion pour moi: depuis que je suis tout petit, si on me montre un mot, je ne peux m'empêcher d'en convertir les lettres en nombres: a égale 1, b égale 2, etc., puis d'additionner ces nombres. Tenez, vous voyez le mot «album» sur votre feuille? Il vaut 49!

Oui, je sais, c'est un peu effrayant comme manie (rires), j'essaie justement de m'en défaire. Mais c'est aussi une chanson que j'ai écrite alors que j'étais à Londres et que je m'y sentais tellement étranger et perdu. D'habitude, je compose toujours en mode mineur, sur des textes plutôt sombres, mais cette fois, j'ai quelques chansons en mode majeur et les deux dernières du disque sont quasi joyeuses, ça veut peut-être dire quelque chose...

Q Pourquoi avez-vous fait appel au réalisateur Joey Waronker (Thom Yorke, Beck, R.E.M., etc.)?

R C'était bon de travailler avec lui, même si nous avons eu de nombreux conflits. Joey aime que les choses se fassent vite et moi, je suis plutôt un perfectionniste. Il m'a obligé à lâcher prise. C'était cool, enregistrer avec lui... et à Venice Beach: être près de la plage, dans une maison remplie de musiciens, faire du surf le matin, puis enregistrer la musique jusqu'à tard dans la nuit. Disons que c'était très différent d'enregistrer à Londres! C'est peut-être pour cela qu'il y a quelque chose de plus «lousse», de plus organique dans cet album.