New-yorkaise aux origines juives et russes, Regina Spektor, 29 ans, a un style que plusieurs ont copié. Reste que chaque nouvel album de la tendre et emphatique auteure, compositrice et interprète est perçu comme un petit happening sur la scène indie, et Far, lancé en juin, n'y échappe pas.

Elle a une de ces voix qui rajeunissent celles qui la poussent, un univers lyrique fait de comptines et une technique pianistique qui témoigne de sa formation classique. Non, Coeur de Pirate n'a rien inventé : dans le registre indie pop juvénile, Regina Spektor est la reine incontestée, depuis presque dix ans et cinq albums.

 

On nous la passe au bout du fil, non sans nous avoir préalablement fait parvenir une liste de sujets qui l'ennuient abyssalement et qui, prévient-on, risquent de faire sombrer l'entrevue. Regina en a marre de devoir encore expliquer comment, à l'âge de 9 ans, elle a quitté Moscou avec ses parents, profs de musique, pour s'établir à New York et poursuivre ses leçons de piano classique hors de l'emprise communiste. Sujet proscrit, les racines soviétiques. Sujet éculé.

Au bout du fil, Regina Spektor est, contre toute attente, affable et généreuse. Surtout lorsqu'il est question de son instrument naturel : «Oh ! dit-elle avec sa petite voix douce, je sais aussi jouer un peu de guitare. Mais c'est au piano que je me sens vraiment à l'aise, c'est l'instrument sur lequel je compose - les musiques me viennent toujours en premier, avant les textes.»

«Je crois que ma formation de piano classique transparaît beaucoup dans ma musique, ajoute la jeune femme. Ça influence la manière dont je joue ainsi que mes compositions. Pour ceux qui ont étudié Chopin et Mozart, la musique pop restera toujours une forme musicale très basique... «

Qui a toutefois l'avantage de plaire à un plus grand nombre. Regina Spektor en sait quelque chose : elle vient de passer l'été à promouvoir les chansons de son album Far sur les plus grosses scènes d'Europe.

Après deux albums plutôt confidentiels, Regina Spektor s'est vraiment révélée grâce aux charmantes ritournelles de Soviet Kitsch (2004). Par de judicieux placements de chansons dans différentes publicités et séries télévisées (Grey's Anatomy, CSI : NY et Weeds, pour ne nommer que celles-là), la demoiselle a trouvé un public «de tous âges, c'est toujours surprenant de voir ça pendant mes concerts», affirme-t-elle.

Le charme opère toujours sur Far, son cinquième album, un disque sur lequel Regina déploie des trésors d'imagination lyrique - farfelus, souvent, confus, parfois. Elle devient un robot dans Machine, utilise une onomatopée en guise de refrain (Eet) et délire sur toutes les autres chansons.

Pour la première fois, elle a convié quatre réalisateurs à bosser sur l'un de ses albums. L'Américain David Kahne, complice de longue date, y est, mais on remarque surtout la participation de l'illustre Jeff Lynne, perfectionniste de la pop, jadis tête chercheuse de l'Electric Light Orchestra. Son travail se remarque sur Folding Chair et Blue Lips, ainsi que la toute simple et magnifique Genius Next Door.

«C'est un plaisir de travailler avec cette légende», affirme Regina Spektor, en spécifiant qu'elle n'a pas cherché à approfondir l'oeuvre de Lynne avant de collaborer avec lui, pour ne pas se laisser intimider par sa légende. « Il avait une vision claire et précise de ce qu'on pouvait faire avec mes chansons. Surtout, il apportait des idées qui m'échappaient complètement. «

Regina Spektor, le 17 septembre, 20 h, au Métropolis.

EN UN MOT

Dix ans de métier, toujours ce brin de petite fille dans la voix. La diva indie pop s'amène en ville avec de nouvelles comptines.