Après avoir déballé la programmation de sa seizième présentation la semaine dernière, le Festival international de Blues de Tremblant gardait un as dans sa manche. La Presse a obtenu la primeur: la star du blues et de la soul Robert Cray sera de la grande bringue annuelle le 14 juillet. Entretien avec le plus affranchi des bluesmen.

La nouvelle a de quoi réjouir. Un musicien de ce calibre et de son envergure injecte une crédibilité instantanée à un événement. Pas que le blues à Tremblant en souffrait, au contraire, mais quand on parle de Robert Cray, on est dans une classe à part. Et comme une nouvelle ne vient jamais seule, le légendaire Hubert Sumlin, idole de Keith Richards et guitariste de Howlin' Wolf et de Muddy Waters, sera son invité. Beau mardi soir en perspective.

«J'ai décidé de jouer de la guitare en écoutant les Beatles, admet-il. Je sais que ça en surprend plusieurs, mais c'est le cas. J'ai été emporté dans le tourbillon comme tout le monde de mon âge. À l'époque, mon père était militaire, basé en Allemagne. Mais plus tard, le son psychédélique de Jimi Hendrix et celui plus cinglant d'Albert Collins - qui a joué à son bal de finissant en 1971! - ont redéfini mes aspirations».

Le soul et le blues

Avec une voix digne des grands chanteurs de soul comme Sam Cooke et un jeu précis, raffiné et fluide sur sa guitare Stratocaster, Robert Cray a été propulsé au rang de vedette en 1986, lors de la parution de son disque Strong Persuader et sa ribambelle de succès comme Smoking Gun, Right Next Door, etc. Un nouveau son, une signature, disait-on à l'époque. Les feux de la rampe scintillaient: page couverture du magazine Rolling Stone, tournées éreintantes, attention médiatique à l'avenant, bref, quand on accouche de l'équivalent d'un Sgt. Pepper's à son troisième disque, l'égaler devient un exercice futile.

«C'était assez intense, reconnaît-il. La presse rock m'a embrassé et la presse blues aussi. Il y avait consensus. On a vite qualifié ma musique de «blues contemporain», avec ce que ça comporte d'inconvénients». Cray a en effet modernisé le genre au point de rendre le blues à nouveau populaire. Au fil d'une discographie de quinze oeuvres plus ou moins égales (il l'avoue lui-même), il a ainsi ouvert la voie à d'innombrables émules et imitateurs (Joe Louis Walker, Lucky Peterson, Sherman Robertson...) Les efforts de Cray ne lui attirent pourtant guère les faveurs du public noir, mais le positionnent parmi les chaînes câblées et le rock FM, où son style de guitare évoquant Mark Knopfler plaît beaucoup. Cela lui permet de jouer à Londres derrière Eric Clapton, en 1993.

Au milieu des géants

«Quand des musiciens comme BB King et Eric Clapton t'invitent, c'est parce qu'ils savent ce que tu peux apporter; ils connaissent ta musique. Tu apprends d'eux juste en écoutant, pas besoin de poser de questions. Eric est un individu très terre-à-terre. Pas prétentieux pour deux sous. Lors du Crossroads Festival à Chicago l'année dernière (organisé par Clapton), nous avons échangé quelques solos sur sa chanson Old Love, cela faisait drôle puisqu'il a déjà interprété l'une des miennes (Bad Influence) il y a longtemps». Joueur de Fender Stratocaster tout comme Clapton, Cray s'est vu offrir par le réputé fabricant, en 1990, la création d'un modèle à son nom, la Robert Cray Signature Fender. Un autre pas vers la célébrité.

L'homme a aujourd'hui 56 ans. En faisant le bilan de son parcours, on retient notre souffle: en plus de Clapton, Cray a d'autres collaborations prestigieuses à son actif: Buddy Guy, Jimmie Vaughan, B.B. King, John Lee Hooker, Keb' Mo', Tina Turner et.... Muddy Waters. Rajoutez cinq trophées Grammy, en plus de onze autres nominations et des spéciaux télé à la pelle (Martin Scorsese presents The Blues, Voodoo Lounge pay-per-view des Rolling Stones, Hail Hail Rock'n Roll en hommage à Chuck Berry). Puis, consécration dans le béton: le Hollywood's RockWalk aux côtés de Ike Turner, Etta James et Muddy Waters.

«Si j'ai fait le tour du jardin? Pas du tout! J'adore jouer en spectacle. La sensation de l'adrénaline qui monte avant le spectacle, je vis pour ça. Et j'ai besoin de jouer la guitare. Sans elle, je me sens tout nu!»

Robert Cray, en concert le 14 juillet au Festival international de blues de Tremblant.