L'indie anglo-montréalais n'en finit plus d'accoucher, la pouponnière ne fournit pas! Le nouveau-né? Clues. La rumeur prend de l'ampleur depuis la sortie récente du premier album.

Alden Penner parle un français plus que respectable, son accent charmant en trahit à peine les origines. Le jeune homme de 26 ans parle doucement. Actuellement en tournée américaine, il résume sa trajectoire.

 

D'abord, ce bilinguisme remarquable.

«Je suis né à Loretteville, ma famille a vécu à Val-Bélair. Mes parents avaient alors quitté la Colombie-Britannique, mon père s'était inscrit à l'Université Laval pour y étudier la foresterie. Une fois diplômé, il n'a pu trouver du travail au Québec et nous sommes rentrés dans notre province d'origine. Nous avons ensuite vécu dans différentes localités; Vernon, Dawson Creek, puis l'île de Vancouver, vers 1987: Campbell River est à une heure et demie au nord de Nanaimo. Mon français? J'ai pu le conserver entre autres grâce à ma soeur Maria, qui enseigne la langue et qui a déjà vécu à Trois-Rivières.»

The Unicorns, excellent groupe indie dont notre interviewé est cofondateur, est né à Campbell River. Alden Penner y avait connu Nicholas Thornburn à l'école secondaire de la petite localité.

«En 1999, Nick s'était inscrit à l'Université Concordia pour y faire des études de cinéma. Personnellement, je suis arrivé à Montréal un peu par hasard, quatre ans plus tard. Les contradictions de cette ville me semblaient très attrayantes. Cela représentait aussi pour moi un bel effort que de renouer avec la réalité francophone. Ça faisait partie de mon passé, ça allait faire partie de mon présent.»

Prendre le temps

Une fois établi à Montréal, le groupe The Unicorns est devenu beaucoup plus qu'un projet adolescent pour Nick et Alden.

«Nous y avons mis beaucoup plus de temps qu'auparavant. Ainsi, nous avons créé notre deuxième album dans le quartier Saint-Henri, pour ensuite casser nos baux et partir en tournée pour une durée indéfinie. Sans domicile fixe. On revenait souvent à Montréal, cependant, question d'y reprendre des forces. Puis, nous nous y sommes installés de nouveau. Mon milieu ne cesse de s'y élargir, c'est plutôt anglophone, mais c'est quand même mélangé. Trois membres de Clues, il faut dire, sont américains (Brendan Reed, Nicholas Scribner, Ben Borden) et l'autre est ontarienne (Lisa Gamble).»

Depuis deux ans, les routes d'Alden Penner et Nicholas Thornburn se sont séparées: Alden a d'abord fait de la musique de film, Nick a fondé Islands, puis Alden s'est lié à Brendan Reed afin de constituer Clues.

Prendre le temps, voilà une valeur qui semble peser lourd dans sa balance. Du moins si on s'en tient à la lenteur relative et la délicatesse de son élocution.

«Dans tous mes projets artistiques, trouver la forme appropriée est un long processus. Or, l'an dernier, Clues a commencé à trouver sa forme. Brendan et moi jouions depuis un bout de temps. Brendan collaborait à plusieurs groupes, dont The Arcade Fire et The Unicorns. Il faisait aussi partie des Angles morts, dont la particularité était de jouer des musiques de film en direct.»

Quand mélodie et bruit se rencontrent

Et voici donc Clues, nouveau véhicule de l'indie montréalais.

«C'est la rencontre de la mélodie et du bruit, cette relation ayant été alimentée dans nos groupes respectifs. Pour moi, c'est aussi la transformation de chansons écrites sur une longue période.»

Guitares, basse, batterie, claviers, voix. Tension dramatique entre des mélodies hautement inspirées, presque cristallines, et de puissantes déflagrations rock aux accents bruitistes. Ainsi peut-on décrire sommairement la musique de Clues.

De manière générale, Alden Penner est à l'origine des chansons, à tout le moins du texte et de la mélodie. Brendan Reed, lui, voit à la facture d'ensemble. «Il supervise les ambiances, la réalisation de nos enregistrements. Il est aussi très habile pour saisir chaque chanson dans sa totalité. De plus, j'aime beaucoup son jeu de batterie», explique son collègue, non sans admiration.

Ben Borden, Lisa Gamble et Nicholas Scribner complètent Clues. Alden décrit leur rôle: «Ben travaille davantage côté noise, il joue un peu de basse et de guitare, il crée des bruits intéressants avec les claviers et l'échantillonneur. Lisa peut jouer la scie musicale, elle fait aussi des percussions et de la batterie. Nick, lui, joue aussi de plusieurs instruments: guitare, basse, trompette et voix. Moi-même j'alterne entre guitare, basse et claviers. Nous faisons tous un peu de tout.»

Cette polyvalence génère un corpus fulgurant, force est de le constater à l'écoute du premier album de Clues. Fulgurant, et surtout émaillé de «scènes» des plus saisissantes.

«J'approche la musique comme on réalise un film, conclut Alden Penner. Une scène atteint sa limite? Il faut jeter le regard ailleurs.»

Clues se produira le 18 juin dans le cadre des Suoni per Il Popolo.