Discret ces dernières années, Yves Duteil réapparaît avec un album intitulé (fr) agiles. En quête d'authenticité, comme toujours, il continue de puiser la matière de ses chansons dans les petites choses de la vie. «C'est dans le quotidien que je vais chercher la magie», dit-il.

Ce qui se dégage de l'univers chansonnier d'Yves Duteil, c'est d'abord une infinie tendresse. Qu'il parle de la langue française (La langue de chez nous) ou d'amour filial (Prendre un enfant), qu'il évoque le drame des femmes battues (Où vis-tu Pauline?) ou se rappelle son ancienne institutrice (Madame Sévilla), il le fait toujours avec un mélange d'émerveillement, d'affection et de compassion. C'est sa manière.

 

Yves Duteil passe pour un homme gentil et il le sait. L'image lui pèse, visiblement. Spontanément, sans qu'on l'ait poussé à le faire, il défend son parcours, insiste sur l'évolution de son univers. Se sachant plus prisé par le public que par la critique, il affirme d'emblée ne ressentir aucune gêne à faire la promotion de ses chansons, parce qu'il a «conscience qu'il y a des gens à qui elles font du bien».

Sous ses dehors d'homme affable qui parle doucement et sourit presque timidement lorsqu'on lui fait un compliment, le chansonnier français cache un homme de conviction. Maire d'un village situé près de Paris depuis une vingtaine d'années, il croit être devenu «un homme de dossiers». Il suffit d'aborder avec lui la question du téléchargement de la musique pour constater qu'il sait affûter ses arguments.

Or, cet homme engagé dans un grand nombre de causes humanitaires a fait le choix de la douceur. «Prendre les gens de front, c'est l'ultime recours», juge-t-il. Lorsqu'il doit lutter pour ou contre des gens, il préfère adopter une stratégie articulée sur la finesse et la nuance. Une approche qu'il applique aussi à la chanson. L'air de rien, (fr) agiles ne parle pas seulement d'un grand-père qui regarde grandir son petit-fils (Si j'étais ton chemin), mais aussi de désastre (Deux enfants du Tamil Nadu) et de violence.

Quête d'authenticité

La chanson pour lui n'est pas du domaine des paillettes, du rêve et de l'imaginaire, c'est une affaire d'authenticité. «C'est dans le quotidien que je vais chercher la magie et dans le travail que je cherche la spontanéité, dit-il. Même si je travaille énormément la forme, c'est dans le but d'être conforme à un sentiment, à une image, à un vécu.»

Yves Duteil n'est pas un interprète électrisant, mais il possède la plume d'un observateur attentif et perspicace. Madame Sévilla, chanson nostalgique où il replonge dans son enfance, regorge d'images évocatrices. Lorsqu'il aborde la question de la violence conjugale (Où vis-tu Pauline?), il le fait en prenant un angle intéressant: le vide que la fuite d'une amie violentée a laissé dans sa vie à lui et celle de ses proches. «C'est la différence entre le principe et le vécu», croit-il.

«Il n'y a pas un spectacle où pas une femme ne vient me dire: je suis une Pauline, assure-t-il. J'ai l'impression d'avoir donné une voix à ces femmes qui n'en ont pas. Ce sont des voix étouffées et il est très important de parler pour elles quand elles ne peuvent pas le faire.»

(fr) agiles témoigne d'un optimisme que son titre ne laisse pas deviner. Yves Duteil croit d'ailleurs à la nécessité «d'aider un peu la providence». Il se voit comme un porteur d'espérance. «L'espérance, c'est une forme de pensée, une chose qu'on porte, c'est actif, dit-il. Au moment où tout est perdu, on fait appel à cette chose irrationnelle qui nous permet de sortir la coque de l'eau, de regagner, millimètre par millimètre, le terrain qu'on avait perdu à l'adversité.»