Hormis Céline Dion et Arcade Fire, peu de musiciens québécois peuvent prétendre avoir accumulé autant de points Air Miles que Misstress Barbara. La DJ de renommée internationale aspire toutefois à poser ses valises pour mieux se concentrer sur le projet musical qu'elle nous présente ces jours-ci. Entrevue avec la Miss... nerveuse à la veille de la sortie de l'album I'm Not Human, mais étonnamment moins stressée qu'avant.

La grande brune nous retrouve dans un café de sa Petite Italie pour une autre entrevue de cette journée promo, elle-même précédée d'un autre de ses concerts «secrets» donnés sous le nom de code Girls on a Ducati. «Une suggestion de mon agent, dit-elle. Il m'a dit: Jusqu'à ton lancement, il faut que tu te caches. Trouve-toi un autre nom, n'importe quoi... Girls on a Ducati, genre. Je l'ai tout de suite arrêté - c'est ça mon nom!»

 

Girls on a Ducati, alors. Barbara qui chante et tourne des boutons, un batteur, un bassiste, un claviériste. «En plus, j'ai toujours aimé le nom (du groupe new-yorkais) Brazilian Girls, qui participe d'ailleurs à mon disque: y'a qu'une seule fille dans ce groupe...» Discrètement, depuis quelques semaines déjà, Misstress Barbara réapprend son métier en squattant quelques petites scènes montréalaises et de la région. Le bruit courait dans le milieu que Barbara donnait des concerts, mais le secret n'a pas été éventé.

«Je ne suis pas une chanteuse, dit-elle candidement. Chanter en studio, c'est une chose. Sur scène, ce n'est pas pareil. La première fois que je suis montée sur scène, je me suis dit: Oh my God! Le bordel, juste pour ajuster le son de ma voix, sur scène et dans la salle. Je suis devenue un peu sourde d'une oreille à cause de mon métier...»

Un métier, celui de DJ, en déclin, il faut l'admettre. Les stars comme elle continuent de se faire tirer l'oreille à tous les coins de la planète - la semaine dernière, c'était l'Argentine. Être DJ en 2009, ce n'est plus la panacée d'il y a 10 ans, «même si mes cachets n'ont pas trop baissé», dit la puriste qui ne jure encore que par le vinyle. Une espèce en voie de disparition, disions-nous.

Virage chanson-pop

Ce virage chanson-pop arrive à point nommé, dans le contexte comme dans la vie personnelle de cette globe-trotteuse. L'élément déclencheur de ce changement de cap stylistique a été la mort de son père, il y a deux ans.

«Le lendemain, raconte Barbara, j'ai écrit un poème. C'est sorti tout seul, ça m'a fait du bien. C'est comme ça que j'ai commencé à m'exprimer par les mots, en écrivant beaucoup, me disant que ce serait un bon exercice.»

Son père, un musicien dilettante qui ne comprenait pas grand-chose à ce techno percussif ayant fait la renommée de Misstress Barbara, lui disait, à la blague, «de mettre de l'huile dans (sa) musique - tu sais, du WD-40, parce que ça fait plein de petits clics» comme un moteur qui ne tourne pas normalement.

Il semble qu'il avait raison. Sur I'm Not Human, son premier album pop après une trentaine de singles et mini-albums et une poignée d'albums mixés (parus sur son label, Iturnem), l'auteure-compositrice-interprète étouffe la DJ. On y reconnaît certes le côté funky typique de la signature rythmique de la DJ, mais elle a adouci la facture pour mieux laisser respirer sa voix, presque chuchotée sur ses chansons.

Ses compositions

À part une reprise de Leonard Cohen (Dance Me to the End of Love, un titre pour le moins approprié pour la DJ), l'album n'est constitué que de compositions, personnelles souvent, assez accrocheuses, surprenantes lorsque la musicienne délaisse le house et le techno pour oser sortir de sa zone de confort et esquisser ce qui pourrait passer pour des ballades. Un bel effort, auquel ont notamment contribué Björn Ittling (de Peter, Björn&John) et Sam Roberts, sur l'accrocheur premier extrait I'm Running.

«Ça fait plus de 10 ans que je suis DJ, mais je suis aussi une productrice et réalisatrice, résume-t-elle. Ça a toujours été un but de carrière que de réaliser la musique des autres. Au début, c'est mon agent qui m'a poussée vers le songwriting, il y a deux ans. Il voulait que je m'essaie à composer, pour proposer ce matériel à des pop stars comme Britney et Justin.» Elle les aimait tant, ces chansons, qu'elle a choisi de les garder pour elle.

Ce faisant, Barbara a retrouvé le goût du risque, a remis le «stress» qui fait son nom au-devant de sa démarche, elle qui, toujours passionnée par la musique et le travail de DJ, sentait qu'elle avait fait le tour du jardin. «Mon but ultime de carrière, c'est d'arrêter de voyager. Je veux m'installer, fonder une famille.» Et donner un nouveau sens à sa musique.