Chinatown aurait pu virer indie rock, vu ses accointances avec The Stills. Son improbable tournée en Chine aurait pu inciter le quintette montréalais à multiplier les clins d'oeil à la musique asiatique. Or, c'est surtout l'influence de la pop française des années 60 qu'on remarque sur son premier album, l'élégant Cité d'or.

Enrhumé. Pire, probablement grippé. Ça s'entend même au téléphone. Grippe porcine? «Tout le monde me dit ça», répond le guitariste et chanteur de Chinatown. Aucun cas n'avait encore été identifié au Québec au moment de l'entrevue. Félix Dyotte aurait pu être le tout premier. Ce n'est cependant pas le genre de gloire qu'il recherche.

 

Pour Félix Dyotte, ça doit passer par la musique. Plus jeune, il a fait partie de The Undercovers, groupe ska-pop qui s'est scindé au tournant du millénaire pour donner naissance à The Stills et, de loin en loin, à Chinatown. Des liens existent toujours entre les deux formations: Olivier Corbeil (bassiste des Stills) est manager de Chinatown et Liam O'Neil (aussi des Stills) joue du saxophone sur Cité d'or.

Ce n'est pas tout: c'est aussi un proche des deux groupes, Gus Van Go, qui a réalisé Cité d'or. Félix Dyotte affirme que, malgré les liens d'amitié, ce choix ne s'est pas imposé comme une évidence. «Quand tu regardes ses autres productions, ce n'est pas vraiment notre genre, précise-t-il, citant des groupes comme Priestess et Vulgaires machins. Il est habitué au gros rock dur et nous, on a de petites guitares clinquantes.»

Chinatown n'évolue pas du côté du bruit et de la fureur, en effet. Pierre-Alain Faucon (clavier et chant) a un faible pour Brassens et d'autres chansonniers français. Félix Dyotte, l'autre auteur-compositeur de Chinatown, est un grand fan de Gainsbourg et de la pop française des années 60. Ça s'entend. «J'écoute beaucoup de musique des années 60, c'est vrai, mais je ne m'attendais pas à ce que ça s'immisce autant dans nos chansons.»

Pop romantique

L'influence de la musique de cette époque se sent dans l'approche mélodique du groupe, soyeuse et presque sucrée. Dans sa manière légère d'aborder l'amour et la séduction, aussi. «On pourrait facilement verser dans le quétaine: on chante des chansons d'amour avec de belles petites mélodies», constate Félix Dyotte. Sauf que le bassiste Toby Cayouette et le batteur Gabriel Rousseau veillent au grain. Ainsi, quand les chansons sont trop jolies, ils s'assurent de les «salir» un peu. D'où ce côté indie rock qu'on perçoit ici et là.

Plutôt que de verser dans l'ironie, Chinatown s'assume. Les seuls clins d'oeil volontairement kitsch du disque sont ces petites mélodies orientales qu'on entend au début de Apprendre à danser et Bateau de querelle. Simple souvenir de voyage: l'an dernier, Chinatown a fait une petite tournée en... Chine, grâce à l'appui de l'ambassade du Canada et de l'Alliance française en Chine. Félix Dyotte affirme que c'est lors de cette série de spectacles que son groupe, complété par Julien Fargo à la guitare, s'est véritablement soudé.

Bateau de querelle a d'ailleurs été inspirée par cet improbable voyage, puisqu'elle raconte la fin de l'idylle vécue par l'un des membres du groupe avec une fille de Shangai. Mine de rien, cet amour impossible colle parfaitement à l'univers de Chinatown, où le sentiment amoureux n'est jamais platement inscrit dans le train-train quotidien. Voilà qui tranche avec tous ces chansonniers qui cherchent à voir l'amour dans les petites choses de la vie.

«Prendre un café avec l'être aimé, ça peut être autre chose que de l'amour. Ça peut être de l'amitié. Ou rien pantoute, fait valoir Félix Dyotte. Nous, on a décidé de ressentir les grandes choses dans les grands moments.»