Mutantès est mort et enterré, clame Pierre Lapointe mais que ses fans se rassurent, les titres de son nouvel album regorgent de chansons de ce spectacle multidisciplinaire qui a été acclamé par la critique l'an dernier.

Lapointe a en fait récupéré 12 des 20 chansons du spectacle mais en remaniant plusieurs d'entre elles, afin que le son colle davantage à un véritable album.

Ainsi, ce troisième album de l'auteur-compositeur-interprète se veut plus rock, avec des influences venant du «glam rock» des années 1970, avec quelques ballades françaises. Mais il est aussi issu directement de Mutantès, ce méga-spectacle conçu pour le 25e anniversaire des FrancoFolies de Montréal qui aura servi de canevas au nouvel opus qui sera disponible la semaine prochaine.

«Mutantès était une espèce de laboratoire pour expérimenter et classer des chansons», a dit d'emblée l'artiste, en entrevue à La Presse Canadienne dans un bistro du boulevard Saint-Laurent.

«Ça aurait été étrange de jeter les 20 chansons du spectacle aux poubelles et d'attendre deux ans pour sortir un autre album», a-t-il poursuivi.

Pour le fond, Lapointe a sauvegardé une douzaine de ses compositions. Mais pour la forme, il a évacué les références au méga-spectacle qui versait dans le futurisme; pas de lien visuel, un titre différent - Sentiments humains -, pochette en «noir et blanc» loin du «noir espace» que dégageait le spectacle de l'an dernier.

«Je voulais me détacher un peu du projet qui était un long cheminement. Cela a porté fruits, alors c'est normal qu'un CD sorte», a-t-il souligné.

Le jeune artiste a bénéficié du concours de Daniel Bélanger, en plus de celui de son fidèle collaborateur Philippe Brault, à la réalisation et aux arrangements.

Les intéressés pourront décrouvrir encore plus de chansons s'ils se procurent une édition limitée de 15 000 copies de Sentiments humains qui ajoute cinq titres n'ayant pas trouvé place sur l'album. Il coûtera quelques dollars de plus que le CD régulier.

Le CD s'insère dans une pochette originale, qui se déplie, question d'apprécier les paroles des chansons de l'artiste âgé de 28 ans.

Les mots sont parfois durs, les passages sombres, mais le tout est fait à la manière de Lapointe qui persiste et signe pour dire les choses franchement, à commencer par les difficiles relations dans la vie.

«C'est le dilemme de l'être humain, d'avoir à vivre en clan. À mon avis, on est des animaux, on a besoin des autres pour vivre et assouvir ses besoins. Et en même temps, il est difficile de vivre avec une autre personne», a confié Lapointe.

«C'est grandiose et superbe dans les faits de vivre à deux et en même temps terriblement déchirant et terriblement atroce.»

La dernière chanson de l'album, Les éphérites, fait plus allusion aux difficultés du quotidien où tout se déroule si rapidement.

«On a tous une certaine pression que l'on s'inflige soi-même. On a tous un désir d'évoluer. Je ramène ça à ce que je vis. J'ai de la pression. C'est aussi un moteur pour l'être humain.»

Après l'opération promotion, Lapointe et son équipe se concentreront sur les nouveaux spectacles à venir ce mois-ci.

«Ce sera un spectacle à dimension humaine, plus conventionnel», a averti Lapointe.

L'éclairage ne sera pas celui de Mutantès, mais ne sera pas très loin car le responsable sera le même.

Les chansons des trois albums seront au menu musical. «Je voulais tomber dans quelque chose de plus simple et plus près du public. Donc Pierre Lapointe sera habillé en Pierre Lapointe et non en costume de l'espace», question de faire oublier les choix vestimentaires de Mutantès.

«ll y aura un contact direct avec le public alors que Mutantès était plus un contact avec l'esthétisme», a-t-il précisé.

Six musiciens accompagneront Lapointe lors de la tournée qui débutera en avril.

À l'automne, Lapointe mettra le cap sur la France, comme il l'avait fait il y a quelques années, mais il reconnaît que la tâche n'est pas facile dans l'Hexagone.

«ll y a peu d'élus et je ne sais pas si je vais être un des élus», a commenté l'artiste, demeurant réaliste devant ce défi.

«J'ai l'impression que pour les Français, on dirait qu'entendre des francophones arrivés chez-eux, c'est moins intéressant qu'un anglophone qui y va de «R&B» et de hip-hop en anglais, c'est moins exotique et moins intéressant. Je ne rêve pas trop là-dessus, à première vue, ce n'est pas évident.»

Outre cette difficile percée à faire en France, Lapointe note que le marché du disque est devenu bizarre. «Le disque est en train de tomber, il n'y aura plus de CD dans 15 ans. On va sortir plus souvent en petit format ou une chanson à la fois (via internet).»

«Mais même si l'industrie ne marche plus, même si je ne fait plus d'argent, il n'y a rien qui va m'empêcher de créer, c'est ce qui intéressant», a dit finalement Lapointe, qui ne semble pas s'en faire pour l'avenir.