Le rappeur Sir Pathétik va passer un joyeux temps des Fêtes. Après presque 10 ans de travail sur la scène hip-hop et une poignée d'albums solo, le MC de Trois-Rivières connaît depuis deux semaines un succès fulgurant - à l'échelle de la scène rap québécoise - grâce à sa chanson T'aimes un badboy.

Coup de fil au coeur du Québec, patrie de Sir Pathétik, qui y revient après une brève tournée de trois semaines dans les écoles secondaires de la région montréalaise. Une tournée conjointe avec son collaborateur Billy Nova et l'organisme LOVE (Leave Out ViolencE), qui vise à «éradiquer la violence juvénile au Canada».

 

Les nouvelles sont bonnes pour sa petite entreprise. «Tu m'appelles au bon moment: je viens d'avoir la confirmation que, pour la deuxième semaine, mon album s'est vendu à plus de 1000 exemplaires!» jubile-t-il.

Avant k'tu m'oublies est son quatrième album solo - son sixième album, si on compte un premier démo paru en 2000 et celui du duo Mauvaize Frékentation qu'il forme avec Billy Nova. Lancé le 25 novembre, l'album d'une vingtaine de chansons - «J'aime ça les albums doubles, mais là, je me suis limité à 80 minutes» - a pris la huitième position des ventes francophones au Québec.

Plus de 3500 albums vendus en deux semaines, pour n'importe quel artiste, ça ressemble à un joli succès populaire. Pour le hip-hop québécois, c'est un succès trop rare, compte tenu du bassin de fans, négligé par les télés et radiodiffuseurs. «Au début, Vrak.TV ne voulait pas embarquer, dit le Sir. Ils ont fait un sondage sur leur site web pour se rendre compte que les fans aimaient ma musique. Ils ont changé d'idée», et MusiquePlus a emboîté le pas.

À l'écoute des fans

Au premier coup d'oeil, on pourrait déduire que la popularité de la chanson (et de son clip) T'aimes un badboy (les rappeurs du «South Shore» Von Von le Vet et 1 Étranjj y collaborent), son rythme dance chaloupé conçu pour faire danser, a servi d'hameçon pour tous ces jeunes fans déjà entichés du hip-hop commercial américain.

Sir Pathétik a toutefois sa propre interprétation du succès: «Au mois d'octobre, j'ai arrêté de tourner. En un an, j'ai donné plus de 80 spectacles - toutes les fins de semaine, j'étais sur la route. On est allé jusqu'à Fermont en avion, Amqui, Paspébiac, la Côte-Nord au complet, tout le Québec en passant par les salles du ROSEQ, et même des communautés francophones du Nouveau-Brunswick jusqu'à l'Ontario. À mon avis, le rap vit partout. C'est vraiment spécial, sérieux, c'est l'fun. La tournée m'a permis de rencontrer mon monde. J'ai appris à les connaître. À Amqui l'été dernier, après un concert, je me suis dit que je n'avais pas fait de feu de camp encore. Les fans m'en ont fait un, j'ai passé la nuit avec eux autres. Partout, je les ai écoutés, je voulais savoir ce qu'ils aimaient et je crois que j'ai réussi à faire le disque qu'ils voulaient entendre, un beau produit avec un livret et les paroles dedans.»

Et les haters?

Réalisé en collaboration avec l'équipe de production Hot Box (basés à Montréal, ils ont notamment travaillé avec Manu Militari), Avant k'tu m'oublies explore différents styles populaires à travers ses 21 chansons, du plus doux au plus pop, avec une touche de dancehall/reggaeton (tendance remarquée dans le hip-hop d'ici), et de dance.

Au fil des albums et des concerts, Sir Pathétik a surtout pris de l'assurance. Le succès a cependant réveillé les haters, ces critiques avisés de la scène hip-hop qui scrutent tout artiste qui fait du bruit. On reproche au rappeur trifluvien son approche trop pop du rap, et la simplicité de ses textes qui, persifle-t-on, semblent avoir été écrits très exactement pour ses fans du secondaire...

«Ben oui j'en ai des haters... si tu savais, dit-il, lucide. Je dis tout le temps que c'est en partie pour le mieux, parce que ça fait en sorte que sur mes albums, j'ai des chansons qui «brassent» un peu plus, qui répondent aux critiques. Mais bon, ce monde-là encourage peu les artistes. C'est souvent eux qui ne vont pas aux concerts, qui n'achètent pas les disques et qui vont les télécharger plutôt que d'appuyer ceux qui font la musique.»

«Les critiques m'ont déjà touché. Plus aujourd'hui», dit-il. La perspective que T'aimes un badboy soit le succès de Noël chez les jeunes compense largement pour les railleries.