Lynda Lemay n'a jamais interrompu le long dialogue entamé avec son public, il y a bientôt 20 ans. Avec Allo c'est moi, la prolifique chanteuse poursuit une carrière ponctuée d'albums, de concerts, avec plus de maturité, promet-elle.

On avait laissé Lynda Lemay avec, en 2006, Ma signature: un 10e album presque 100% guitare sèche et textes. «Ma signature bouclait une boucle. Allo c'est moi, je le vois comme le premier des prochains albums. C'est comme ça que je le sens: j'ai fait le tour de quelque chose, et là j'aborde autre chose que j'espère aussi beau», souhaite Lynda Lemay.

 

Entre ses tournées au Québec, en Europe et un passage sur les plaines d'Abraham pour le 400e de Québec, une vie familiale bien occupée, Lynda Lemay admet que l'enregistrement d'un nouvel album a tenu de l'exploit. «J'ai eu beaucoup d'imprévus. Les plaines d'Abraham, c'était pas prévu, le duo avec Charles Aznavour non plus.»

«Il y a eu aussi les imprévus de l'album que j'imaginais faire en deux mois, comme j'en ai l'habitude, mais j'avais mal calculé: entre un bébé à temps plein, deux parents qui travaillent sur le même projet (ndlr: son compagnon est le réalisateur Mike Weisinger) (...) J'avais un surplus de stress, même si c'était de beaux moments de stress, ça a été très chargé pour une maman à 40 ans», explique-t-elle.

Que les fans se rassurent: Lynda Lemay ne semble pas à plat. Lors de notre rencontre, la chanteuse se montre fidèle à elle-même. Enjouée, maquillée et pimpante, elle se prête avec grâce et enthousiasme au jeu des entrevues, tout en adressant au photographe des plaisanteries sur son propre physique.

Connectée sur la vie

Sa fidélité s'exprime aussi dans le texte: Lynda Lemay signe parmi les 18 compositions de son dernier album des chansons abordant, entre autres sujets de préoccupation, le sexe des hommes (Le dard), les éternelles tromperies (La partouze), les doutes autodérisoires de la chanteuse (Si j'étais optimiste), la guerre (Comme un homme mort).

«Je ne sais même pas comment je fais, je réussis encore à écrire des chansons bien connectées sur la vie de tous les jours, alors que j'ai très peu de disponibilité, très peu de moments de solitude, estime-t-elle. Ceux que j'ai, c'est dans l'avion, dans les salons Air France. Je profite de ces moments pour laisser sortir les émotions qui se sont accumulées. Ça sort naturellement: les textes sont là, je les trouve beaux.»

Pour Anne, Lynda Lemay prête sa voix à ceux qui sont prisonniers de leur corps. «Après un spectacle, j'ai rencontré un gars paralysé, lourdement handicapé, mais on a eu une vraie conversation en très peu de temps. J'étais à l'aise, alors il s'est permis de me dire à quel point il avait adoré le spectacle. On a vraiment connecté. Je me disais, mon Dieu, il est comme moi. C'était comme un coup de foudre, j'ai dû vouloir donner une voix à ce gars-là», se souvient-elle.

Un nouveau cycle

Avec Allo c'est moi, Lynda Lemay estime entamer un nouveau cycle dans sa vie d'auteure et d'interprète. «Les thèmes que j'aborde ne sont pas nécessairement ceux que j'aurais abordés il y a 10 ans. J'ai toujours eu de la maturité dans mes textes, mais je sais que mon vécu m'a fait apprendre et évoluer. Je suis la même, mais un peu différente par mes connaissances, mon vécu», dit-elle.

Aussi, si Ma signature lorgnait du côté «boîte à chanson», Allo c'est moi revendique des orchestrations plus complexes. Le complice guitariste Yves Savard est de nouveau de l'aventure, le pianiste Louis Bernier retrouve Lemay pour une chanson, Juste un petit bébé - «le bonheur que j'ai eu à le retrouver s'entend sur cette chanson», dit la chanteuse.

Enfin, Lynda Lemay collabore pour la première fois avec l'arrangeur Pierre Verville. «Ça fait longtemps qu'on voulait travailler ensemble. On s'est rencontrés avant que je gagne à Granby, mais cela ne s'est pas fait. Il ne se faisait pas beaucoup de chanson française à l'époque. Là, on a vraiment fait de belles chansons», juge Lynda Lemay.

Difficile aussi, quand on évoque les collaborations de Lynda Lemay, de passer sous silence l'aréopage de chanteurs et chanteuses invités sur son hymne au Québec, Bleu. «C'est une déclaration d'amour à ce qu'on est ici et aux artistes qui marquent le Québec et qui continuent de la marquer aujourd'hui: Vigneault, Charlebois, mais aussi la nouvelle génération comme Marie-Mai, une excellente rockeuse.»

Si Lynda Lemay évoque, dans cette chanson, un «drapeau qui ne s'arrête pas de fleurir» et un peuple que «rien ne peut faire rougir», elle se défend bien de faire de la politique. «Tout ce que je sais, c'est que je suis fière d'être Québécoise. Je suis fière de notre façon d'être, de notre spontanéité. Ceux qui viennent nous visiter nous envient ça: la vie, on ne la complique pas pour rien. J'aime mon pays, j'aime mon fleuve, j'aime mon Québec.»

Lynda Lemay continue aussi de chérir sa vie d'auteure et d'interprète. «C'est rare, quand même, des carrières aussi solides et constantes. J'aurais pu perdre de ma flamme, de ma spontanéité. Mais c'est toujours le même plaisir pour moi d'ouvrir mon cahier, de laisser aller les débordements d'amour, les phrases qui me mènent vers quelque chose que je n'avais jamais abordé avant.»