D'abord, il y a ce nom étrange: The Sound Of Sea Animals. Il ne s'agit pas d'un collectif donnant dans le chant de mammifères marins, mais plutôt de l'intrigant premier projet solo de l'auteur-compositeur-interprète et multi-instrumentiste Etienne Chan Kane.

Puis, il y a cet album, livré en anglais, tout aussi étonnant: Fragments Of Frictions. Un disque aux airs d'album de photos, de collage de moments saisis au vol, comme un long plan-séquence baignant dans une ambiance musicale très proche des Beatles. Ici, sitar rime avec guitare, le ukulélé répond aux percussions, la basse se marie au glockenspiel, dans une esthétique fortement teintée du pop-rock des années 60.

«J'aime cette période pour tout ce qu'elle comporte justement de naïveté et d'essais-erreurs. Rien n'était fait encore, tout était à expérimenter, sur le plan musical, explique Etienne Chan Kane. C'est sûr que les Beatles m'ont beaucoup influencé dans ma démarche. Pour moi, ils incarnent la rigueur suprême, le travail de construction sonore où tout est calculé, léché, afin de toujours produire la meilleure chanson au monde, à chaque fois. C'est ce que j'ai moi aussi tenté de faire.»

Dans la foulée des Beatles, donc, mais surtout de l'auteur et chanteur des Kinks Ray Davies, le Sherbrookois de 26 ans, aujourd'hui établi à Montréal, s'est amusé à créer les personnages qui hantent son premier disque. Il leur a même donné des noms: Mr. et Mrs. Thomas, leurs enfants et la gardienne, Lady K., Sarah B. ou encore Lorne Toffer. «Mes textes sont simples et ressemblent à des histoires sans fin réelle, comme si j'avais croqué un moment de leur vie. Mon plan, c'est d'ensuite développer des mini-albums pour pousser plus loin un personnage ou une histoire», mentionne-t-il.

Dans sa tête, il a aussi réuni ces hommes et ces femmes dans un immeuble, en a fait des voisins de palier. Et celui qui les croise, les observe ou les entend à travers les murs minces de son appartement, celui qui se confie aussi, c'est le voyageur par procuration, The Traveler.

«Pour moi, ce personnage incarne ma vision de l'artiste. Il a été partout, il a vu le monde, il est capable de le recréer, mais sans bouger de chez lui, précise-t-il. Lorne Toffer, pour sa part, incarne ma critique douce de la religion et de ceux qui tuent au nom de leur dieu. J'aime l'esprit de la fable pour exprimer mon point de vue, sans pour autant donner l'impression de dicter aux gens ce qu'ils doivent penser.»

Quant au choix de l'anglais, il coulait de source pour le projet, sans plus. «Il ne s'agit pas d'une prise de position de ma part, tient-il à préciser. D'ailleurs, je trouve ça fascinant d'être Québécois, même si, des fois, je trouve qu'on s'arrête trop à la question de la langue, comme si on oubliait son but fondamental: celui de communiquer, de partager.»

Mais ce nom, d'où vient-il? «Quand j'étais au Cégep de Sherbrooke, mon père étant prof, j'avais accès à divers locaux, dont celui de la radio étudiante. Je m'en servais, avec un de mes amis, comme local de répétition, les vendredis soir, raconte Etienne Chan Kane. Pour enregistrer nos compositions, on utilisait les cassettes qui nous tombaient sous la main. Celle sur laquelle on enregistrait - tout croche - nos pièces portait le titre de The Sound Of Sea Animals, volume 1. D'ailleurs, notre dernière chanson se terminait justement par un chant de cachalot! Quand l'un de nos copains nous a demandé comment s'appelait notre groupe, je lui ai répondu en riant que c'était écrit sur la cassette! Avant de signer mon contrat avec Audiogram, j'ai décidé de garder ce nom, pour le plaisir de donner un nom de groupe à un projet solo et m'obliger à garder les deux pieds bien sur terre, si jamais Fragments Of Fictions décolle.»