Alanis Morissette ouvre une fois de plus son journal intime sur Flavours of Entanglement. Pour partager ses inquiétudes, son affection et, bien sûr, faire sortir le méchant. Elle chante pour trouver du réconfort, mais surtout pour en procurer.

Une douzaine d'années après You Oughta Know, Alanis Morissette reste encore «la fille fâchée» dans l'esprit de bien des gens. Elle est consciente d'être perçue de façon aussi simpliste et elle s'en accommode bien. «C'est un honneur, dit-elle, au cours d'une conférence téléphonique tenue le mois dernier. La colère est si souvent repoussée sous le tapis, notamment chez les femmes.»

 

Avec ses sept tubes radio, Jagged Little Pill demeure de toute évidence un jalon dans la carrière de la chanteuse d'Ottawa. En raison de son succès phénoménal, bien sûr, mais aussi grâce à sa manière directe d'aborder les relations amoureuses. Souffrance, honte, désir de vengeance; soudainement, tout pouvait être dit. «Dès que je me mets à l'écriture, il n'y a plus de censure», assure-t-elle.

Alanis Morissette n'a jamais quitté ce ton confessionnel. Du coup, il lui arrive de passer pour une artiste incapable de se renouveler. Or, si tous les albums qu'elle a publiés depuis 10 ans ne possèdent pas tous cette petite étincelle de magie qui fait la différence, on ne peut lui reprocher d'avoir fait du surplace. Encore moins d'avoir perdu la main.

Changement de ton

Flavours of Entanglement compte lui aussi son lot de chansons franchement bien tournées. La colère gronde encore, notamment dans Straightjacket. Elle se drape aussi de douceur, comme dans In Praise of the Vulnerable Man et Not As We. Ce qui surprend le plus, toutefois, c'est l'habillage des chansons.

Sans quitter le mode rock dans lequel elle semble parfaitement à l'aise, elle ose se frotter à des bidouillages électroniques, des nappes sonores très texturées et même à des rythmes presque dance qui donnent à son disque un côté «confessions sur une piste de danse». Alanis Morissette affirme que le réalisateur Guy Sigsworth est le principal responsable de ce changement de ton, mais qu'elle s'y sent très bien.

«J'ai toujours aimé l'hybridation, dit la chanteuse. En cuisine, en décoration et en musique, j'aime prendre des éléments provenant de différents styles ou genres que j'aime et j'essaie de les mélanger du mieux que je peux... sans que le train ne déraille!»

Vu son ton très personnel, il n'est pas difficile de saisir qu'écrire est un geste thérapeutique pour Alanis Morissette. Écouter ses propres chansons peut même avoir un effet semblable. «J'ai cette étrange capacité d'écouter mes chansons en faisant comme si je ne connaissais pas la fille qui les a écrites, rigole-t-elle. Il y a des moments où je traverse des moments difficiles et où j'écoute un morceau écrit il y a sept ou huit ans plus tôt tout en y trouvant du réconfort.

«L'autre jour, je conduisais et j'ai fait jouer Sympathetic Character de Supposed Infatuation Former Junkie. Je l'ai réécoutée trois fois de suite et je me suis sentie mieux. Mes propres chansons me procurent du soulagement, mais je ne les écoute pas tout le temps!» Elle admet qu'écrire et chanter ont un effet cathartique, que c'est bien de faire sortir le méchant, mais que «ça ne guérit pas» la blessure.

Elle n'entend pas changer pour autant. «Ma plus grande douleur, c'est le mensonge. Je souffre lorsque je me montre comme étant invulnérable et impénétrable, dit-elle. Le plus important pour moi, c'est d'avoir le sentiment d'être à ma place. Mon rôle est de partager ce que je vis, pour réconforter les gens, les remonter, les provoquer. C'est ma raison d'être.»

Alanis Morissette, en spectacle le 9 octobre à la salle Wilfrid-Pelletier.