De la visite rare, demain soir à Montréal: le compositeur, arrangeur et chef d'orchestre Burt Bacharach, consacré «plus grand compositeur vivant» par la Recording Academy en février dernier, s'accompagnera d'une douzaine de musiciens pour revisiter son immortel répertoire de succès qui, aujourd'hui encore, inspire nombre de ses contemporains.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Burt Bacharach et le parolier Hal David ont à leur actif près de 70 chansons s'étant hissées dans le top 40 américain, chansons qui ont été interprétées par Elvis Presley, Gene Pitney, The Carpenters, Barbra Streisand, Dusty Springfield, Tom Jones, Aretha Franklin, etc.

 

Heureusement, les chiffres ne disent pas tout. Il y a les titres, aussi: What's New Pussycat, The Look of Love, Walk on By, Baby it's You - popularisée par The Shirelles, reprise par les Beatles -, I Say a Little Prayer, Alfie, Do You Know the Way to San Jose... Prenez vos gageures: quelles chansons Bacharach et son orchestre vont-ils interpréter demain soir, à l'Église Saint-Jean, rue Rachel?

«Bonne question, répond la légende, de sa voix éraillée. Le choix n'est pas simple. Je suis obligé de faire quelques medleys, ce qui a de bons comme de mauvais côtés. D'une part, ça donne l'occasion d'en jouer davantage, mais il y aura des fans qui regretteront de ne pas entendre telle ou telle chanson au complet...»

La dernière fois que Burt Bacharach est monté sur une scène montréalaise, il dirigeait l'orchestre de Marlene Dietrich. Quelques années plus tôt, il étudiait la composition et l'arrangement à l'Université McGill.

«Travailler avec Marlene était un moyen fantastique de voyager. Musicalement, par contre, c'était la banqueroute: j'ai tout essayé pour que ça sonne le mieux possible. Je me souviens d'une représentation à l'Olympia de Paris. Mon vieil ami Quincey Jones était venu me voir en coulisse. Il m'a dit: «Burt, que fais-tu ici?»»

Quelques années après avoir quitté l'orchestre de Dietrich, Bacharach s'est installé à New York. C'est en 1957 qu'il fait la connaissance du parolier Hal David, au fameux Brill Building sur Broadway, près de Times Square, un édifice qui abritait nombre de maisons d'édition et de publication musicales.

«Nous étions de vrais bourreaux de travail, se rappelle Bacharach. C'était une époque excitante. On pouvait entendre la musique émaner des bureaux voisins. J'ai beaucoup appris sur le travail en studio, sur la production, surtout auprès de mon ami Jerry Leiber, je l'accompagnais souvent lors des enregistrements. Il travaillait avec une section de cordes, une bonne section rythmique, des choristes», autant d'éléments qui inspireront Bacharach pour ses propres compositions, pop au premier coup d'oeil, souvent d'approche novatrice sur le plan des harmonies et des structures rythmiques et marquées par sa passion pour le jazz.

Avec Hal David, Burt Bacharach a décroché son premier no. 1 aux palmarès en 1957, avec Magic Moments, chantée par Perry Como. «En fait, on en a eu deux en même temps, grâce à The Story of My Life (pour Marty Robbins). Mais ces succès sont arrivés après une année de misère. Je devais encore jouer pour d'autres, emprunter de l'argent à mon père...»

Le succès des années 60

Plus pour longtemps. Après avoir passé quelques années à composer pour différents interprètes, Bacharach et David trouvent leur muse, une belle chanteuse de formation jazz et classique du nom de Dionne Warwick. Dominant les palmarès durant toutes les années 60, Bacharach et David auront prouvé qu'il est possible de conserver son intégrité artistique tout en se faisant accepter du plus vaste public possible.

«Le secret d'une bonne chanson pop? Son accessibilité, je pense. Aussi, cette qualité indiscernable qui fait qu'un auditeur ne se lasse pas d'entendre une chanson. Y'a de ces chansons que tu peux entendre souvent jusqu'à t'écoeurer, tu vois?»

 

Burt Bacharach en cinq chansons

> The Look of Love (1967)

Interprétée par Dusty Springfield, reprise par Isaac Hayes, Marvin Gaye, Nina Simone et Diana Krall. Paroles de Hal David.

> Walk on By (1964)

Interprétée par Dionne Warwick, reprise par Isaac Hayes, The Stranglers, The Carpenters, échantillonnée par le Wu-Tang Clan, Ludacris... Paroles de Hal David.

> That's What Friends are For (1982)

Interprétée par Rod Stewart, reprise par Dionne Warwick & Friends (Elton John, Stevie Wonder, Gladys Knight) pour récolter des fonds pour la recherche sur le sida en 1986. Paroles de Carole Bayer Sager.

> I Just Don't Know What to do With Myself (1962)

Interprétée par Tommy Hunt, reprise par Dusty Springfield en 1964, Dionne Warwick en 1966, puis Elvis Costello, Demis Roussos et les White Stripes. Paroles de Hal David.

> Raindrops Keep Fallin' on my Head (1969)

Interprétée par B.J. Thomas pour le film Butch Cassidy And The Sundance Kid, reprise par le Rat Pack, Sacha Distel et... Homer Simpson! Paroles de Hal David.