La rock star australienne Nick Cave a sorti vendredi son premier album depuis la mort de son fils de 15 ans l'été dernier, accompagné d'un documentaire qui dévoile une douleur immense.

Arthur Cave, 15 ans, est mort en juillet 2015 en chutant d'une falaise à Brighton, où réside la famille, en plein enregistrement par Nick Cave de l'album Skeleton Tree, avec son groupe The Bad Seeds.

C'est après cet accident dramatique que Cave a contacté le réalisateur Andrew Dominik (L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) pour filmer les dernières sessions d'enregistrement.

Le résultat, un film tourné en 3D baptisé One More Time with Feeling, a été présenté au public pour la première fois jeudi soir à Londres, dans le cadre intimiste d'un cinéma.

«Cela m'a bouleversé d'une manière que je n'arrive pas à comprendre», dit Cave à propos de la mort de son fils. «Je n'ai plus prise sur rien, c'est effrayant».

Le film démarre avec l'enregistrement du premier titre de l'album, Jesus Alone, un morceau hypnotique porté par les vocalises qui semblent invoquer les esprits de Cave.

L'imagerie religieuse noire et le thème de la mort soufflent sur cet album comme sur les 15 précédents enregistrés avec les Bad Seeds, liant poésie et profane, l'infiniment grand et le terre-à-terre.

Mais Cave admet qu'une toute nouvelle «détresse» a pris le dessus. Une détresse très perceptible dans I Need You, dont la mélodie et les notes de piano entraînantes habillent un refrain très sombre: «Nothing Really Matters».

«Anxiété, angoisse et peur»

Le chanteur de 58 ans évoque aussi le fait de se sentir «diminué» avec l'âge, en particulier pendant un enregistrement en studio où il s'inquiète d'oublier les notes de musique et de perdre sa voix.

Le thème de la perte traverse tout l'album, et s'entend particulièrement dans les mots «All the Things We Love, We Love, We Lose» dans l'apocalyptique Anthrocene, tandis que la chanson titre Skeleton Tree déplore un monde moderne «où rien n'est gratuit».

L'ancien chanteur du groupe Birthday Party révèle aussi à la caméra son «anxiété, son angoisse et sa peur» depuis l'accident.

«Vous devez renégocier votre position dans le monde. En une nuit, vous devenez un inconnu à vos propres yeux», explique-t-il, soulignant qu'auparavant il n'aurait jamais accepté l'incursion des caméras.

Cave ne mentionne pas le décès de son fils dans l'album mais aborde frontalement la question de la mort dans Girl in Amber, dont les accords de guitare soutenus sont recouverts par la voix puissante de Tom Waits.

Dans le film, le nom d'Arthur n'est mentionné que rarement même si sa mort est évoquée de manière poignante au travers des entretiens menés avec la femme de Nick Cave, Susie, et de l'apparition de son frère jumeau Earl.

Malgré tout, le film comme l'album sont parcourus de moments de légèreté et d'humour noir, en particulier grâce au piano brillant sur Rings of Saturn, et aux paroles berçantes de Distant Sky.

Mais les moments de répit sont brefs, dit le chanteur au réalisateur Andrew Dominik.

«Le temps est élastique. On peut s'éloigner de l'événement mais à certains moments l'élastique revient comme un boomerang et nous y ramène toujours».