Isabelle Boulay chante du Serge Reggiani depuis qu'elle a 19 ans, mais c'est aujourd'hui, dans la quarantaine, qu'elle sent qu'elle peut le mieux lui rendre hommage.

Elle le fait donc avec un nouvel album, Merci Serge Reggiani, sur lequel elle reprend 14 chansons de l'interprète français, qui a amorcé sa carrière musicale sur le tard.

«Je me suis rendu compte que j'ai maintenant l'âge qu'il avait quand il est devenu chanteur. Je vais avoir 42 ans et lui a commencé à chanter Boris Vian quand il avait cet âge-là. C'est un peu particulier pour moi cette coïncidence. Je l'interprète depuis que j'ai l'âge de 19 ans, mais j'ai enfin atteint l'âge où ça devient crédible que j'interprète ses chansons», a-t-elle confié à La Presse Canadienne.

«Pour être dans une position où tu n'es pas dans un jeu de rôle mais où tu es vraiment dans une interprétation qui est proche de ta réalité, ça prend une certaine expérience de vie. Je dirais qu'avant, les chansons, je ne les interprétais pas de la même manière.»

Isabelle Boulay a puisé dans le répertoire de Reggiani des chansons qui évoquent la «dolce vita», incluant L'Italien, Ma solitude et le premier extrait Il suffirait de presque rien.

L'interprète a confié avoir voulu, avec cet album, rendre à Reggiani ce qu'il lui a donné et témoigner de l'importance qu'ont eue pour elle ses chansons, mais aussi sa façon d'exercer le métier. La chanteuse considère d'ailleurs ce moment, en 1993, où elle a partagé la scène avec Serge Reggiani à Paris, comme l'un des plus marquants de sa vie.

«C'est quelqu'un qui faisait le métier à l'ancienne, qui était très rigoureux et je sentais dans son regard qu'il fallait que je sois à la hauteur de ce qu'il attendait de moi. Il me défiait du regard et il était vraiment très digne», s'est-elle rappelé, décrivant la rencontre comme «un moment fantastique».

La sortie de l'album, le 19 mai, survient près de 10 ans après la mort du chanteur, décédé le 23 juillet 2004. Isabelle Boulay affirme qu'elle n'avait pourtant pas prévu faire un album hommage pour souligner l'anniversaire et que la concordance des dates n'est que l'une des nombreuses coïncidences entourant le projet, qui se transformera en un spectacle sur scène, le 21 juin, à l'occasion des FrancoFolies de Montréal.

À trois reprises, à un moment où les chansons de Serge Reggiani lui revenaient constamment en tête, des gens lui ont parlé de ses interprétations des pièces du chanteur. Un vieux couple l'a abordée à Paris, pendant un spectacle de Coeur de pirate, lui disant qu'il espérait pouvoir entendre un jour un album complet de ses reprises de succès de Reggiani. Puis, au Québec, une amie lui a téléphoné pour lui reparler d'une chanson de lui qu'elle avait déjà interprétée. Et enfin, un étranger l'a abordée, dans une librairie, pour lui demander de faire davantage de chansons puisées dans le répertoire du chanteur français d'origine italienne.

«Je me suis dit: «Il y a quelque chose de métaphysique, je ne sais pas ce que c'est»», a-t-elle raconté.

Isabelle Boulay a confié avoir voulu, avec cet album, donner aux textes sa propre voix, une voix féminine à des textes qu'elle juge très masculins.

«Ça l'aurait sûrement fait sourire d'apprendre qu'une femme reprend son répertoire», croit-elle.

«C'est le répertoire d'un homme tendre en fait. J'ai grandi avec beaucoup d'hommes autour de moi, parce que j'ai grandi dans un bar et un restaurant et dans le métier que je fais aussi, il y a beaucoup d'hommes. Je me sens assez proche d'eux, j'ai l'impression de les comprendre de l'intérieur. J'ai toujours aimé chanter des chansons d'hommes de toute façon, parce que ça donne une autre perspective et ça te fait aimer les hommes encore plus.»