Au studio PM du réalisateur Pierre Marchand, les représentants des médias ont eu droit hier à l'écoute intégrale de Reflektor, quatrième album d'Arcade Fire, dont la sortie officielle est prévue pour le 29 octobre. Réparti en deux disques, Reflektor dure plus de 73 minutes et regroupe 13 chansons assorties d'une finale électroacoustique.

Voici nos premières impressions au sortir de cette séance d'écoute, chanson par chanson.

Reflektor

Percussions, congas, cuivres, claviers, machines: 7 minutes 33 secondes de groove dance punk, avec une facture éminemment James Murphy, mais en plus aérien, en moins rude. Win Butler et Régine Chassagne s'y échangent des rimes bilingues. Le chorus est explosif.

We Exist

La piste de danse s'assombrit un tantinet, la basse est lourdement exprimée, ça démarre disco et ça se termine plus électro, fragments de conversations psalmodiées au finish, touche à la Bowie en prime.

Flashbulb Eyes

Les guitares fusent dans un magma de fréquences; le rythme est très appuyé, nous avons ici affaire à un groove aux accents reggae dub, mais qui maintiennent l'esprit rock tout en haut, le tout nappé d'électro. Voilà la première évocation clairement antillaise de l'album.

Here Comes the Night

Nous voilà en Haïti, là où le couple Butler-Chassagne a possiblement recueilli ces sons de la nuit. On repère un rara nerveux, puis le rythme ralentit et on observe l'évocation d'un konpa. Ici, on préfère l'usage d'une basse et d'une batterie lourde, de claviers dégoulinants, d'un buisson de conversations préenregistrées. Tout compte fait, nous sommes revenus dans l'île de Montréal.

Normal Person

Présentés comme s'ils donnaient un spectacle, Win et sa bande s'affairent à fesser dans le mythe du rock. Le staccato de l'introduction est un procédé récurrent dans le rock: les Stones, Bowie et Lou Reed en ont maintes fois fait usage. Cela dit, le chorus et le pont de cette Normal Person lui confèrent une touche distincte.

You Already Know

Autre mise en scène du live, on annonce «the fantastic Arcade Fire». Et le groupe s'esbaudit sur un mélange de doo wop et de rock puisé dans les années 50. L'évocation n'est toutefois pas fidèle à cette époque lointaine: coulées de clavier, guitares plus actuelles...

Joan of Arc

Démarrage sur les chapeaux de roues, façon punk rock, puis le tempo ralentit, adoptant un état de... pesanteur.

Here Comes the Night II

Cordes jouées à l'archet, fréquences gravissimes et violons grandioses enveloppent cette mélopée préconisée pour une seconde tombée de la nuit. Tout repose sur deux phrases mélodiques autour desquelles on a tissé des cordes élégantes, soyeuses et réconfortantes malgré le spleen ambiant.

Awful Sound (Oh Eurydice)

Voilà un autre rythme afro-antillais sur lequel on couche une ballade habillée de cordes acoustiques, de guitares placidement grattées et de compléments ambiants. Entre la vigueur rythmique et la douceur mélodique, le contraste est franchement réussi.

It's Never Over (Hey Orpheus)

Le son proverbial de James Murphy revient ici à la charge. On pense aussi aux Talking Heads, on pense de nouveau à Bowie. On se dit que la facture Arcade Fire s'impose au milieu de la chanson, jusqu'à sa finale grandiose.

Porno

Tempo modéré, rythme de synthèse, notes tordues sur les ivoires, un autre dance rock s'échafaude.

Afterlife

Côté batterie, la saveur est un tantinet insulaire. Côté voix, la proposition est céleste: très puissant chorus masculin-féminin, soutien instrumental approprié, superbe proposition chorale, conclusion orchestrale particulièrement étoffée. Hyper pop malgré la facture créative. Dans la lignée des grands hymnes qu'on connaît d'Arcade Fire, Afterlife est l'un de ceux dont on se souviendra longtemps.

Supersymmetry

Pour conclure cette odyssée, on a entre les oreilles une pièce qui démarre timidement et qui finit par dévoiler ses ambitions; percussions, congas, épaisse moquette de cordes quasi symphoniques, circonvolutions d'harmonies aux claviers, répétition de motifs, le tout coiffé d'une longue expérience électroacoustique. Audacieux.