La semaine dernière, Mathieu Chedid avait déjà dans son iPod le «nouvel» album de Jimi Hendrix, People, Hell and Angels. Pourquoi des enregistrements inédits du guitariste mythique suscitent-ils encore autant d'intérêt une quarantaine d'années après sa mort? Les explications de sa jeune soeur, Janie Hendrix.

On ne peut pas accuser la succession de Jimi Hendrix (Experience Hendrix L.L.C.) d'avoir surexploité son héritage comme d'autres l'ont fait après sa mort le 18 septembre 1970. En 16 ans, People, Hell and Angels n'est que le troisième «nouvel» album de Jimi, après First Rays of the New Rising Sun (1997) et Valleys of Neptune (2010). Le premier tentait de reconstituer l'album auquel travaillait Hendrix au moment de sa mort, tandis que le deuxième était le témoin des derniers enregistrements du guitariste avec l'Experience d'origine: le bassiste Noel Redding et le batteur Mitch Mitchell. People, Hell and Angels est la suite logique et chronologique de Valleys, y compris deux mêmes chansons (Hear My Train A Comin' et Bleeding Heart) enregistrées environ un mois plus tard avec des musiciens différents: Billy Cox, Buddy Miles et Rocky Isaac.

«Le son est pas mal plus blues sur ces nouvelles versions», constate Janie Hendrix, la soeur adoptive du musicien qui supervise ces rééditions avec John McDermott et Eddie Kramer, l'ingénieur du son de Hendrix à l'époque. Elle ajoute: «Quand on a entendu Hear My Train A Comin' en studio, ça nous a fait pleurer. Surtout moi. À cause du jeu de guitare et parce que, je pense, Jimi a trouvé une voix différente sur cet album. Il y met vraiment toute son âme. Sur Mojo Man, ce n'est pas lui qui chante, mais comme il y joue de la guitare, il la fait sienne.»

Mojo Man est une des curiosités du disque, chantée par les frères Albert et Arthur Allen qui l'ont enregistrée à Muscle Shoals avant de la confier aux bons soins de l'ami Jimi à New York. Une pièce funky, avec piano et cuivres en prime. «Ils voulaient s'amuser en jouant et ça s'entend», commente Janie Hendrix. Let Me Move You, très soul/rhythm and blues, est tout aussi inhabituelle en cela que la guitare de Hendrix y dialogue avec le saxophone d'un vieil ami à lui, Lonnie Youngblood, qui en est également le chanteur.

La plupart des autres pièces sont connues des mordus de Hendrix qui en auront entendu d'autres versions, mais rarement d'aussi bonne qualité. «On ne fait pas d'ajout en studio [comme des producteurs moins scrupuleux l'ont fait par le passé] et on garde toujours la musique la plus authentique possible», affirme Janie Hendrix.

Hendrix et Stills

Janie Hendrix n'est pas peu fière de souligner que le premier extrait de l'album, Somewhere, s'est hissé au sommet des palmarès «devant Adele et tous les autres». Cette chanson, ajoute-t-elle, est une rareté qu'ils gardaient pour souligner le 70e anniversaire de son frère. Elle ne savait pas - à moins qu'elle ne l'eût oublié? - qu'une autre version de la même Somewhere est parue sur le coffret The Jimi Hendrix Experience en l'an 2000. «Toutes ces versions ont quelque chose d'unique et les fans ne pourront pas dire: «Celle-là, je l'ai déjà entendue»», fait-elle valoir.

Somewhere a ceci d'intéressant que c'est nul autre que Stephen Stills qui y tient la basse aux côtés de son ami Jimi et du batteur Buddy Miles. «Jimi et Stephen ont enregistré un album complet auquel Stephen travaille présentement», confirme Janie Hendrix.

People, Hell and Angels prouve une fois de plus la grande complicité qui existait entre Hendrix et le batteur Mitch Mitchell. Dans la version allongée d'Easy Blues, mais surtout dans l'instrumentale Inside Out dans laquelle on entend l'embryon rythmique d'Ezy Rider. Hendrix tient la basse et la guitare avec pour seul compagnon son ami Mitch. «Ils avaient plusieurs points en commun, acquiesce Janie Hendrix. Bien avant qu'ils se rencontrent, Jimi était du groupe Jimmy James and the Blue Flames tandis que Mitch faisait partie des Blue Flames de Georgie Fame. Quand Jimi est mort, Mitch a été terrassé par la douleur. Par la suite, il a été beaucoup moins actif. J'ai eu la chance de le connaître un peu mieux quand on faisait des tournées en hommage à Jimi et j'ai constaté à quel point ces deux-là s'entendaient bien.»

Autres versions

Janie Hendrix n'exclut pas que d'autres versions inédites d'enregistrements studio de son frère voient le jour éventuellement, mais les prochaines parutions prendront plutôt la forme de documentaires sur des concerts avec interviews de témoins et matériel inédit: Monterey Pop, Newport, le Royal Albert Hall de Londres...

Ce n'est pas tout. Le musée EMP de Seattle présente actuellement une exposition sur les premières années de Jimi Hendrix à Londres, une série de concerts en hommage au guitariste est prévue pour octobre et novembre 2013 et un parc thématique (www.jimihendrixparkfoundation.org) devrait ouvrir ses portes à Seattle d'ici la fin de l'année: «La ville nous a donné le terrain et nous avons récolté un peu plus de la moitié des fonds nécessaires. Ce ne sera pas un parc thématique habituel, mais un espace de paix et de sérénité inspiré de la musique et des textes de mon frère.»