Felix Weingartner est l'un des personnages les plus fascinants de l'histoire musicale. Connu principalement comme chef d'orchestre et spécialiste de Beethoven, dont il fut l'un des premiers, sinon le premier, à graver l'intégrale des neuf Symphonies, l'éminent musicien autrichien (1863-1942) fut aussi compositeur. Mais c'est depuis quelques années seulement qu'on le connaît à ce titre.

De son nom véritable Paul Felix Edler von Münzberg, il fut élève de Liszt et ami de Wagner et succéda à Mahler à la direction de l'Opéra de Vienne. Il composa quelques opéras, sept symphonies, des poèmes symphoniques, des concertos, cinq quatuors à cordes et des lieder. De plus, il orchestra la Hammerklavier et la Grande Fugue de Beethoven, prépara une édition des oeuvres de Berlioz, laissa des ouvrages théoriques et des mémoires... et fut marié cinq fois.

 

La marque allemande CPO, spécialisée dans le répertoire peu fréquenté, a entrepris l'enregistrement de ses oeuvres. Cinq symphonies, un sextuor et un octuor figurent déjà au catalogue de la maison. S'y ajoute maintenant, le volume 1 des quatuors à cordes, soit un compact de 68 minutes contenant le no 1, en ré mineur, op. 24, de 1898, et le no 3, en fa majeur, op. 34, de 1903, joués par le jeune Quatuor Sarastro, de Suisse.

La plupart des chefs qui furent aussi compositeurs écrivent dans le style de la musique qu'ils dirigeaient. C'est le cas de Furtwängler et de Klemperer, par exemple, et c'est celui de Weingartner. La première minute du premier Quatuor n'est pas écoulée qu'on a déjà reconnu des tournures propres à Beethoven et à Schubert. Il en sera ainsi, de façon intermittente, pendant les deux Quatuors. Mais ces rappels ne gênent pas vraiment : Weingartner les intègre habilement à un langage qui, finalement, demeure personnel.

L'homme possède un solide métier de compositeur, il est à l'aise dans la forme sonate, la fugue, la variation, le scherzo (son trio est un peu naïf cependant), et il sait écrire pour les cordes groupées en quatuor ou traitées individuellement.

Je n'ai retracé aucun enregistrement précédent de ces oeuvres dont je ne possède évidemment pas les partitions. Le Quatuor Sarastro semble les servir idéalement. Mais j'ai relevé quelques erreurs dans la présentation de CPO, marque habituellement soucieuse d'exactitude. Ainsi, sur l'endos du boîtier, on rajeunit considérablement le compositeur en le faisant naître en 1893. Il faut lire, bien sûr, 1863.

WEINGARTNER : QUATUORS À CORDES NOS 1 ET 3.

QUATUOR SARASTRO

CPO, 777 251-2

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