Neil Young lance le troisième volume de ses archives, un enregistrement live datant de 1968. Fascinant polaroïd d'un artiste sur le point de devenir un mythe du rock.

On a souvent dit que Neil Young regardait toujours en avant. C'est, en partie, ce qui lui a permis de se renouveler constamment, parfois pour le meilleur (Freedom, Ragged Glory) parfois pour le pire (Trans, Hawks and Doves, Are you Passionate?).

 

Mais depuis quelques années, M. Young semble de plus en plus porté sur le passé. Sur son passé. On peut mettre ça sur le compte de l'âge, de la nostalgie ou d'un besoin impératif de faire le ménage dans ses vieilles valises. Toujours est-il que Young a enfin commencé à ressortir des enregistrements inédits de sa longue et prolifique carrière, par le truchement de la série NYASP (Neil Young Archives Performance Series).

Après le Live at Fillmore East de 1970 et le Live au Massey Hall de Toronto en 1971, le Canadien errant vient de lancer l'excellent Sugar Mountain, témoin d'un concert donné au Canterbury House de Ann Harbor (Michigan) en novembre 1968.

Si vous aimez la période After the Gold Rush et les premiers enregistrements folk de Young, vous en aurez probablement pour votre argent avec cette prestation 100% acoustique.

Au moment de cet enregistrement, l'artiste n'avait pas encore gravé son premier album solo. Il sortait tout juste de l'aventure Buffalo Springfield (le groupe qui l'a fait connaître) et la compagnie de disques (Reprise) souhaitait voir comment son nouveau protégé se débrouillait seul sur scène. Le spectacle du Canterbury Hall, enregistré en deux jours sur un magnétophone deux pistes, était en quelque sorte un «test», pour voir comment le public répondait aux nouvelles chansons - et surtout, à la voix pour le moins originale! - du jeune auteur-compositeur-interprète.

La suite donnera raison à Young, mais il est vrai qu'en 1969 le Canadien n'avait jamais vraiment fait ses preuves en dehors d'un groupe de rock.

Outre ses succès avec Buffalo Springfield, ici revisités en format folk (Expecting to Fly, Mr. Soul, On the Way Home, Nowadays Clancy can't even Sing, Broken Arrow) ce Live révèle des chansons appelées à devenir des piliers de son répertoire. C'était la première fois, notamment, que Young interprétait Sugar Mountain devant public On peut aussi l'entendre égrener le riff de Winterlong, avant de plonger dans les titres de son premier album solo, qui n'était encore qu'un projet en devenir (The Loner, Last Trip to Tulsa). Les fans de l'album After the Gold Rush (1970) reconnaîtront enfin une version déjà définitive de la ballade Birds. Petit bonus pour les fans: le tout est parsemé de monologues où le chanteur démontre d'improbables aptitudes de «stand up».

Sugar Mountain ne s'adresse-t-il qu'aux mordus? Oui et non. Au-delà des vos affinités avec Neil Young, il y a dans ce disque un paquet de super chansons, livrées par un interprète sensible et doué.

D'un point de vue historique, c'est aussi le polaroïd d'un auteur-compositeur à la croisée des chemins, à l'orée d'une carrière en solo qui connaîtra le succès que l'on sait.