Gilles Valiquette a toujours eu le sens des affaires. Dès son premier contrat de disques, en 1972, avec l'étiquette TransWorld, le chanteur avait défendu ses intérêts comme un vieux pro, obtenant notamment de conserver tous ses droits d'auteur et les droits sur ses bandes maîtresses.

«Je ne savais pas que ce serait important pour l'avenir. Mais j'en savais assez pour savoir ce qu'il fallait négocier», raconte-t-il.

 

Gilles Valiquette avait 20 ans à l'époque. Il en a aujourd'hui 56. Et il vient de ressortir les neuf premiers albums de sa carrière, sur son propre label Disques PGV, sans avoir à demander la permission à qui que ce soit (ce qui n'est pas le cas de tous les artistes qui veulent faire revivre leur patrimoine: parlez-en à Daniel Lavoie, Michel Pagliaro ou Ginette Reno).

Valiquette, les 9 premiers - c'est le titre - se présente sous forme de coffret. La bonne nouvelle (outre le fait que la chose se détaille à 40$ en magasin, ce qui revient à environ 4,50$ le CD!) c'est que tous les disques sont individuellement «packagés», avec leurs pochettes originales. Cela inclut non seulement les classiques Chansons pour un café (1972) Deuxième arrêt (1973) Du même nom (1974) Chansons d'automne (1975) Est en ville (1976) et Vol de nuit (1978), mais aussi l'étrange Valiquette (fait pratiquement seul, avec des synthés, en 1980) l'inédit Live à CKOI (1980) et l'album Pièces, lancé en 1993.

Cette réédition multiple a déjà un bon point: elle va beaucoup, beaucoup plus loin que le CD de grands succès lancé au début des années 90. L'oeuvre de Valiquette ne se limite pas, loin s'en faut, aux éternels succès Je suis cool, La vie en rose, Samedi soir, Chez vous c'est chez nous ou Quelle belle journée. Réécoutés dans leur globalité, ses albums révèlent des chansons méconnues, qui ont été épargnées par la «surdiffusion» radiophonique. Où l'on découvre, comme si c'était la première fois, de petits bijoux comme Où es-tu? , Bruine d'automne, Une autre fois, Jean le marin, ou la somptueuse Un, illuminée par les harmonies vocales de Serge Fiori et Richard Séguin.

Fait à noter: non seulement les tounes sont bonnes, mais elles «sonnent». Valiquette avait bien protégé ses vieilles bandes. Le rematriçage a achevé de redonner du lustre aux albums, tout particulièrement Vol de nuit, enregistré au Studio Plant de Los Angeles, qui avait à l'époque souffert du transfert en vinyle. «Écoute-le dans tes écouteurs, tu vas voir», nous dit Valiquette avec un sourire satisfait.

Enfin, non négligeable: le coffret inclut aussi des chansons totalement inédites, rescapées du passé par l'auteur-compositeur-interprète. Parmi celles-ci, le morceau On apprend tous les jours, enregistré avec Jacques Michel au début des années 70, et surtout Prends ma main (on décolle), composé pour le ministère de l'Éducation, un titre imprimé à 100 exemplaires... qui était accidentellement devenu un #1 au Saguenay!

Gilles Valiquette, qui renoue progressivement avec la chanson, après avoir oeuvré près de 20 ans dans les coulisses de l'industrie, a connu une véritable période de grâce entre 1972 et 1980. Sans rien enlever à ses plus récents disques (Secrètement public, lancé l'an dernier, est de très bonne facture) ses cinq ou six premiers «microsillons» sont à ranger parmi les meilleures productions folk-pop-rock des années 70 au Québec.

Avec un message plus porteur, il aurait pu devenir le porte-parole d'une génération. Mais son truc à lui, c'était la musique, pas les grands discours. Dans un sens c'est ce qui le rendait aussi cool.

Gilles Valiquette,

Les 9 premiers (PGV/Musicor)