L'Electronica Tour de Jean-Michel Jarre est l'un de ces spectacles immersifs impliquant un arsenal de son, de lumières, d'effets spéciaux dernier cri. Sans un investissement considérable pour créer l'immersion souhaitée, impossible de remplir tous ces arénas de la planète. Ce que fait d'ailleurs le musicien français depuis octobre dernier.

Devant un public «adulte» venu à aux retrouvailles, question de désigner ce vaste groupe d'âge 40-60 sauf quelques rarissimes grappes de jeunes (3856 sièges occupés en tout et partout), le sexagénaire a offert hier soir un buffet complet de ses récents albums constitués de duos, auxquels il a ajouté les relectures de classiques échelonnés sur quatre décennies de carrière. 

À commencer par les airs d'Oxygène et d'Équinoxe, indestructibles vers d'oreille.. synthétiques.

Dès le début du spectacle, on était plongé dans un environnement holographique (projections sur écrans superposés créant l'impression 3D), qui se voulait l'enveloppe d'un trio au centre duquel JMJ  activait claviers, machines, bidules, ou même cette spectaculaire harpe de rayons laser de laquelle l'artiste extirpera des sons pour ainsi nous bricoler une ritournelle.

Flanqué de deux multi-instrumentistes (le Québécois Stéphane Gervais et le Français Claude Samard), et l'on ne compte pas le DJ québécois Marco Grenier venu sévir avant le groupe, JMJ n'était certes pas sur place exclusivement pour la nostalgie quoique... Oxygène 2 était prévue en début de concert à la suite de ses pièces récentes créées avec Rone (Heart of Noise) ou Vince Clarke (Automatic)

Entre les pièces, on aura eu droit à plusieurs présentations sympathiques de notre hôte, sincèrement heureux de ces retrouvailles et de la commémoration du «350e»... Un petit quart de siècle avec ça, monsieur Jarre? N'ayez crainte, il s'autocorrigera un peu plus tard.

Les exigences techniques de ces musiques étant relativement simples pour ses exécutants , la proposition visuelle sera d'autant plus cruciale. Dans le contexte, l'esthétique visuelle s'avérera  éminemment technoïde; jeux de carrés, rectangles, prismes, parallélogrammes gorgés de couleurs et de lumières vives, rappels graphiques des pochettes des grands succès, constellations et nébuleuses de pixels, on en passe...

Et voilà la gueule du fameux lanceur d'alerte Edward Snowden en format géant, venu nous livrer l'essentiel de sa pensée sur le viol de la vie privée, ce qui lui a valu l'exil comme on le sait. Pendant ce laius, on se prend une rafale de beats... JMJ aérobique, hyperoxygénation au programme!

Blague à part, on sent bien que notre vétéran ne tient pas à se vautrer dans son glorieux passé, on devine qu'il a écouté pas mal de techno et de dark wave. Réparties sur les deux albums Electronica, ses multiples créations en duo en témoignent, impliquant une cohorte important d'artistes ou groupes de la période actuelle. Tiens, on vient juste d'entendre du Jarre à la sauce Gesaffelstein (Conquistador), ce qui n'a vraiment rien de nouvel-âgeux! Même la relecture d'Oxygène 8 a gagné en musculature...

Ces créations en tandem rappellent aussi que JMJ assume son âge (68 ans), qu'il a aussi travaillé avec des artistes des années 70 et 80, on pense ici à Tangerine Dream (Zero Gravity) et aux Pet Shop Boys (Brick England) évoqués hier. On se rappelle  aussi que le vétéran électro kiffe le néo-romantisme hollywoodien lorsqu'il nous balance son Souvenir of China, servi sur une épaisse moquette de claviers.

En somme, cette pérennité de Jean-Michel Jarre repose sur son adaptabilité et, particulièrement sur  son amour pour la pop culture. Devant nous, il se pose en rock star, nous sert des solos de «key-tar» (guitare-clavier), nous suggère une profusion de balises stylistiques archi-connues qu'il enrobe d'éléments plus branchouilles. 

Si ses intégrations sont parfois réussies, d'autres ménagent la chèvre et le chou et peuvent même laisser un fort arrière-goût de gourmandises à la guimauve. Compositeur grand public aux velléités avant-gardistes, il peut frapper dans le mille et graver ses notes dans l'imaginaire collectif... ou se perdre entre deux chaises stylistiques.

Liste des chansons au programme

Heart of noise (créée avec Rone)

Automatic (créée avec Vince Clarke)

Oxygène 2

Circus (créée avec Siriusmo)

Web Spinner

Exit (avec vidéo d'Edward Snowden) 

Equinoxe 7

Conquistador (créée avec Gessaffelstein)

Oxygene 8

Zero Gravity (créée avec Tangerine Dream)

Souvenir of China (tirée de Les concerts en Chine)

Immortals (créée avec Fuck Buttons)

Oxygene 19

Brick England (créée avec les Pet Shop Boys)

Architect (créée avec Jeff Mills)

Herbalizer (tirée de Live in Masada@the Dead Sea)

Oxygène 17

Equinoxe 4

Glory (créée avec M83)

The Time Machine (créée avec Boys Noize)

Rappels

Oxygene 4

Zoolookologie (tirée de l'album Zoolook)

Stardust (créée avec Armin van Buuren)