Que dire d'un chanteur qui invite huit jeunes Syriens à entonner avec lui la finale de Mécaniques générales, son plus grand succès, sinon qu'il a le coeur aussi grand que sa Gaspésie natale? C'est ce moment hautement émouvant, mais tout en sobriété, que nous a offert Patrice Michaud, hier, lors de sa rentrée montréalaise au Club Soda, vers la fin d'un concert vraiment généreux et chaleureux. À son image.

Le chanteur originaire de Cap-Chat prenait un risque, tout de même, en choisissant d'interpréter l'intégralité des chansons de son nouveau disque. Almanach n'est sorti qu'il y a quelques semaines, et Michaud n'a rescapé pour cette tournée que quelques pièces du précédent, Le feu de chaque jour, et une seule de son premier, Le triangle des Bermudes.

Mais Patrice Michaud est le genre d'artiste qui gagne ses spectateurs un par un, spectacle par spectacle, chanson par chanson. Résultat : ils étaient nombreux, hier, ceux qui le voyaient pour la première fois, attirés par ses succès des dernières années. Et, comme les autres avant eux, ils sont tombés sous le charme du Gaspésien au bagout imparable.

Après avoir commencé le spectacle avec l'excellente Kamikaze, premier extrait radio d'Almanach qui figure au sommet des palmarès radio depuis le 17 janvier, le chanteur a immédiatement enchaîné avec deux autres nouvelles chansons, Cherry Blossom et La saison des pluies. Il s'est ensuite enfin adressé au public, joyeux mais un peu sage pendant une grande partie de la soirée - c'est normal quand on reçoit autant de matériel nouveau d'un seul coup. «Je viens de battre mon record personnel : trois chansons d'affilée sans m'ouvrir la trappe!»

Il allait bien se reprendre par la suite, décortiquant l'art du slow pour présenter sa version française et bien personnelle de Stop de Sam Brown, ou décrivant en détail la maison de ses grands-parents, monologue qui le mènera jusqu'à parler des triceps de vicaires, on ne sait plus trop comment. Il a aussi pris du temps pour déclarer son amour pour les groupes québécois des années 50 et 60 qui enregistraient des hits américains. Il a d'ailleurs livré les deux dernières chansons de la première partie en incarnant avec ses musiciens un orchestre de salle paroissiale, appelé Les Majestiques, où tous étaient vêtus d'un veston brillant et portaient des lunettes fumées. Patrice Michaud l'a alors jouée crooner le temps d'un concept «noms de filles», avec Julie revient. Julie s'en va. (un futur succès) et Je cours après Marie (un ancien succès).

Un plaisir à ne pas bouder

Les Majestiques sont aussi revenus pendant le rappel, en plein coeur de la chanson Le crash du Concorde, pour un medley rock'n'roll complètement déchaîné qui incluait, entre autres, le tube des Baronets C'est fou mais c'est tout. Toute la soirée, Patrice Michaud se sera promené du plus lourd (Apocalypse Now) au plus léger (l' ancienne» On fait comme si, très country), du plus apaisant (Les terres de la Couronne, son premier piano-voix!) au plus entraînant (Le feu de chaque jour).

Bien soutenu par un groupe cohérent et solide - Simon Pednault aux guitares, Mark Hébert à la basse, Marc Chartrain à la batterie et Guillaume Rochon aux claviers -, Patrice Michaud ne réinvente peut-être pas la roue de la chanson québécoise. Mais au fur et à mesure que le spectacle levait et que le plaisir se répandait partout - plaisir clairement partagé sur scène -, on a pu constater qu'il lui donne un souffle, une énergie et qu'il fait un bien fou. La preuve: il sera de retour dans ce même Club Soda le 17 juin en supplémentaire, et les billets pour sa tournée québécoise se vendent à toute vitesse. Ne boudez pas votre plaisir, il saura vous charmer vous aussi.