À quelques semaines de la sortie d'un nouvel opus, Arcade Fire a repris du service hier au Métropolis, malgré la plus importante tempête de neige de l'hiver 2017 et ses conséquences sur les transports dans la cité.

Dans un amphithéâtre presque rempli malgré les impondérables, le supergroupe montréalais était le plat principal au menu du cinquième Kanaval KANPE, événement caritatif mettant en relief l'esprit carnavalesque des cultures haïtiennes et afro-antillaises. Celles et ceux qui s'attendaient à une déferlante de chansons inédites sont restés sur leur appétit.

Au terme d'une longue série de performances et intermèdes d'animation à dominante afro-antillaise, l'acteur américain Jason Sudeikis et l'animatrice Anne-Marie Whitenshaw ont présenté Arcade Fire à 23h50.

La sonorisation était loin d'être optimale pendant cette cinquantaine de minutes, mais l'indice d'octane était trrrès élevé sur scène comme dans la salle. Inflammable! Après avoir scandé un «Fuck you Donald Trump, forever for a thousand years !» bien senti, l'Américain et Montréalais d'adoption Win Butler a entonné Winsdowsill, au grand plaisir de ses fans.

 Il a ensuite manifesté sa gratitude envers le peuple haïtien, source d'inspiration pour Arcade Fire comme on le sait: «Merci à Haïti d'exister», a lancé le chanteur en toute sincérité, question de présenter sa compagne Régine Chassagne pour une exécution spectaculaire de la chanson Haïti, avec danseuses sur scène. Wow!

La Montréalaise d'origine haïtienne interprétera ensuite Sprawl... nettement moins réussie, vu le déséquilibre évident des volumes entre le chant et la part instrumentale.

Les choses sont reprises en main par Win Butler, qui défonce le plafond avec la très connue Afterlife, cette fois soutenue par un puissant groove des tambourineurs haïtiens - qui avec AC avec le groupe depuis la tournée Reflektor. S'ensuit une version paroxystique de Neighbourhood #3 (Power Out), coulée dans un épais mur de son et dont la conclusion dramatique se veut un fondu enchaîné à fond de train avec un autre titre archi-connu, Rebellion (Lies).

Fils des fondateurs du fameux groupe Boukman Eksperyans, le chanteur haïtien Paul Beaubrun se joint au groupe qui l'accompagne sur un mélange explosif de rasin et de rock. Les arrangements sont soignés, maîtrisés, typiques d'Arcade Fire malgré la dimension haïtienne de l'affaire et... il y a lieu de se demander si cette contribution se trouvera dans le nouvel album. Mavis Staples ne chante-t-elle pas sur le premier single? À suivre...

On revient aux valeurs sûres, Here Comes the Night, dont la partie vocale se perd dans un magma de rythmes lourds et d'harmonies saturées, le tout bouclé en double tempo. Le pinacle de cette première intervention sur scène d'Arcade Fire depuis la tournée Reflektor est (évidemment) atteint avec l'hymne suprême: Wake Up. Il est minuit 40, la salle se vide pendant que Pierre Kwenders et ses collègue DJ réussissent à rapatrier les irréductibles nuitards sur le plancher de danse. Win Butler, alias DJ Windows 98, se manifestera un peu plus tard aux côtés de Kwenders en mode DJ set à forte consonance afro-antillaise.

Plus tôt dans la soirée, on eut droit à la performance typiquement haïtienne de Tito maréchal Blues Créole, suivie de celle de l'Afro-Montréalais (d'origine congolaise) Pierre Kwenders, dont l'approche scénique a pris du muscle. La batterie y est beaucoup plus virile, les guitares et claviers confèrent à sa performance une plus grande force de frappe... au détriment de la subtilité électro. Vraisemblablement, Pierre Kwenders a découvert les vertus de la pesanteur sonore et de l'énergie afro-soul-rock... ce qui laisse présager son prochain chapitre.

Une fois le chanteur sorti de scène, une bande à pied s'est mise au rara et s'est fondue dans l'auditoire. C'était la vraie patente haïtienne, avec les tambours, les cloches, les chants, les danses et les fameux vaksens, instruments à vent rudimentaires dont la fonction est de renforcer le discours rythmique. Le rara des bandes à pied, il faut dire, est à l'Île Magique ce que la samba de rue est au Brésil. Irrésistible!

Présentés par le chanteur afro-montréalais Gardy Fury avant un (beaucoup trop long) tirage de prix, on a eu droit aux brefs discours du roi du carnaval, nul autre que Patrice Bernier, capitaine de l'Impact, et de la reine, la nageuse olympique Naomy Grand'Pierre.

Coeur de Pirate (des Caraïbes, il va sans dire) s'est ensuite amenée et s'est assise devant un semblant de piano pour interpréter modestement Crier tout bas, Saint-Laurent, une reprise minimaliste de Drake (Hold On, We're Going Home), Comme des enfants et Oublie-moi (Carry On). Il était vraiment temps qu'Arcade Fire débarque, car cet intermède piano voix a démobilisé une part congrue de la foule, en proie au déficit d'attention chronique.

Pour une cinquième fois, donc, cet événement caritatif était mis en oeuvre par La Fondation KANPE, dont l'objet est d'accompagner les familles haïtiennes les plus vulnérables du Plateau Central vers l'autonomie financière. Tous les bénéfices de cette soirée, en voie de devenir une tradition montréalaise, seront remis à la Fondation KANPE au profit de sa mission en Haïti.