Il est né le divin enfin!, troisième conte symphonique né de l'étonnante collaboration entre Fred Pellerin et l'Orchestre symphonique de Montréal, ne possède pas le délire contagieux de La tuque en mousse de nombril de 2011, et il ne verse pas autant dans la mélancolie que Le bossu symphonique de 2013. Mieux encore, ce mariage imaginé par Kent Nagano prouve que les deux mondes en apparence opposés du conte aux effluves folkloriques et de la musique dite sérieuse peuvent non seulement cohabiter joyeusement, mais atteindre un degré de raffinement qui témoigne de la maturité du genre.

Les oeuvres choisies, de l'ouverture d'Egmont de Beethoven à La grande porte de Kiev des Tableaux d'une exposition de Moussorgski, qui vient clore de façon majestueuse le conte de Pellerin, se collent à son récit : l'oeuvre moderne de la compositrice coréenne Unsuk Chin accentue le côté insolite de la fuite du géant Ésimésac, de même que les musiques de Honegger et de Chostakovitch rendent plus menaçante l'avancée du train de Charette qui risque d'écrabouiller toute la population de Saint-Élie-de-Caxton étendue sur les rails gelés à la suite de son homme fort en exil.

Ce n'est pas tout. Les interactions entre le conteur et le grand orchestre sont encore plus poussées, depuis le vacarme d'Ésimésac en train de redresser le village penché de Saint-Élie jusqu'aux bruits d'estomac des enfants affamés du village bien rendus par les cuivres.

La complicité entre le conteur et le maestro n'a jamais été aussi manifeste que quand Pellerin, trouvant trop molle la direction d'un Nagano privé de sa baguette pendant Adeste fideles, vient le remplacer au pied levé et redonne ainsi du nerf aux musiciens qu'il dirige une main dans le dos.

Autre moment réjouissant: Pellerin qui tape des pieds et l'OSM qui se lance dans Le reel de Pointe-au-Pic dans un arrangement de Jean-Fernand Girard qui se veut vraisemblablement un coup de chapeau à la Bottine souriante.

On ne vous racontera pas dans le détail cette soirée de réveillon de Noël mémorable et aussitôt oubliée. Sachez toutefois que Pellerin y fait intervenir les personnages qui ont été au coeur des deux premiers contes symphonique et qu'il puise également quelques-unes de ses anecdotes dans son dernier spectacle De peigne et de misère.

Si ce troisième conte est plus linéaire, l'imagination débridée de Pellerin est bien intacte et nous vaut quelques lignes mémorables dont on ne peut garantir qu'elles seront tout à fait les mêmes lors des autres représentations à la Maison symphonique. Qui d'autre que lui peut réunir dans un conte l'archiduchesse aux chemises sèches et trois douzaines de petits anges bien en vie «velcrotés» dans les hauteurs de l'église?

Comme le veut la tradition, Pellerin nous laisse sur un air d'espérance avec une version «symphonisée», de sa Mère-chanson.

Il ne reste plus un seul billet pour les trois autres représentations d'Il est né le divin enfin!, mais la télé de Radio-Canada le diffusera à compter du 20 décembre. Ne ratez pas ça.