Claude Gauvreau, cet auteur controversé dont les transes onomatopéiques incrustées de lettres signifiantes ont marqué notre patrimoine culturel, était au centre d'une «Soirée à l'asile», présentée mercredi à la Salle Pierre-Mercure. Soirée littéraire, certes, mais surtout sonore, soit l'occasion d'entendre entre autres exécutions une Valse de l'asile ainsi que le troisième mouvement d'une oeuvre captivante, gracieuseté de Walter Boudreau.

Signataire du Refus global, poète automatiste, dramaturge et polémiste, le Québécois Claude Gauvreau «a peu à peu sombré dans un état d'instabilité chronique qui l'a progressivement mené au désespoir et finalement au suicide». Quelques décennies après sa mort tragique (en 1971), la metteure en scène Lorraine Pintal avait approché le directeur artistique de la Société de musique contemporaine du Québec afin qu'il compose une musique devant «accompagner» L'asile de la pureté, une pièce de Gauvreau. Le projet prit naissance en 2003, nous voilà en 2015 avec les fruits d'un arbre qui a vraisemblablement grandi.

Programme succinct, il faut dire - début de Soirée à l'asile! On aura d'abord droit à la diffusion d'extraits théâtralisés de la musique composée par Walter Boudreau pour accompagner L'asile de la pureté, écrite à l'hôpital psychiatrique Louis-Hyppolite Lafontaine (jadis nommé Saint-Jean de Dieu où Gauvreau fut interné au début des années 50. Le comédien François Papineau procède également à la lecture fervente de passages de L'asile de la pureté et de La charge de l'orignal épormyable, lecture ornée de sons émanant d'un instrument inventé. Modernité... d'une autre époque? Poser la question...

Reprenant le titre d'une pièce de Gauvreau écrite en 1956, le troisième mouvement du Concerto de l'asile est arrangé cette fois pour deux pianos. L'univers complexe de Walter Boudreau (un euphémisme) se déploie ici autour d'une valse à partir de laquelle s'élabore une architecture éminemment contemporaine et conçue pour le pianiste virtuose Alain Lefèvre, qui fait équipe avec Matthieu Fortin. Très solide exécution dans le contexte: accords virilement plaqués et trajectoires atonales pour quatre mains magnifient une oeuvre ambitieuse, dont la valse demeure la balise mélodique.

Sous la direction de Walter Boudreau (visiblement, il ne voulait rien manquer!) les interprètes nous font franchir un pont qui relie musique romantique et musique contemporaine. Au cours de traversée, nous en saisissons davantage la progression historique, ce qui rend l'oeuvre du compositeur plus conviviale et d'autant plus appréciable pour un public débordant le cadre des initiés.