Jeudi soir à Victoriaville, le Montréalais Jean Derome a lancé Résistances, vaste jeu d'improvisation pour 20 musiciens incluant son maestro. L'électricité en est le terrain d'inspiration : à travers une multitude de consignes, les interprètes sont invités à s'exprimer sur un ensemble de concepts mélodiques, harmoniques et rythmiques qui se veulent l'interprétation musicale de phénomènes relatifs à l'électricité.

Chaque geste du chef commande un motif, un rythme, une texture, une expression vocale. Chaque consigne est exprimée individuellement, en groupe ou en sous-groupe. Qui plus est, l'orchestre entier est accordé à 60Hz, soit la fréquence nord-américaine du courant industriel et dont l'expression sonore se situe entre le si et le si bémol !

Ainsi, au Colisée Desjardins de Victo, on a eu droit à plus d'une heure d'une musique orchestrale conçue en direct, façonnée par les multiples consignes distribuées par Jean Derome. Si certains passages furent luxuriants sur le plan textural, la ténuité des discours mélodique et harmonique offerts sur scène a souvent mené à conclure à une sous-utilisation des interprètes, dont plusieurs sont d'ailleurs excellents - on pense notamment au guitariste Bernard Falaise, au violoniste Joshua Zubot, à la clarinettiste Lori Freedman, aux batteurs Pierre Tanguay et Isaiah Ceccarelli ou Jean Derome lui-même!

En d'autres termes, cette idée de direction improvisée pour grand ensemble se limite plus souvent qu'autrement à une recherche texturale concluante... au détriment de l'exploitation du rythme, de la mélodie, de l'harmonie et du contrepoint, enfin une musique orchestral impliquant un discours plus exigeant selon les normes classiques, et, forcément, plus de virtuosité de la part de ses exécutants.

À ce titre, on reste sur sa faim mais... le chef pourrait rétorquer que sa quête est plus bruitiste et texturale, ce qui est défendable mais...

L'idée d'un concept musical peut-elle l'emporter sur le résultat ? Voilà certes un cliché que nous servent régulièrement les détracteurs de toutes les avant-gardes en musique. Leur fermeture à de nouvelles propositions sonores les mène trop souvent à de tels verdicts mais... ils peuvent parfois soulever des carences réelles. Le cas de Résistances est intéressant en ce sens, car sa résultante peut prêter flanc à cette critique dans certains de ses aspects, tout en opposant un courant alternatif à l'idée qu'on se fait d'une oeuvre pour grand ensemble.

Et puisque la résistance électrique « traduit la propriété d'un matériau à s'opposer au passage d'un courant électrique», il y a lieu de se questionner sur notre possible opposition à d'autres discours musicaux de ce type.