Oubliez les jeunes filles en fleur et les petites chanteuses qui se la jouent mignonne. Salomé Leclerc n'est pas de cette trempe. Ce qu'elle a révélé sur scène, hier soir à La Tulipe, c'est un coeur de rockeuse avec un spectacle dense et intense faisant plus dans l'artillerie lourde que dans la dentelle.

Dès l'introduction instrumentale, une masse sonore assez pesante s'est imposée à la petite foule remplissant La Tulipe en faisant davantage ressortir le côté rock des chansons de son dernier album, 27 fois l'aurore. Le disque rend une impression générale plus douce et flirtant avec des ambiances plus électro et mieux dosées que ce que nous avons entendu hier soir. En spectacle, ce sont surtout la batterie et la guitare électrique qui ont dominé, formant un mur un peu trop imposant.

La chanteuse - qui joue elle même très bien de la guitare - est néanmoins très nuancée et irréprochable sur le plan vocal. 

Salomé Leclerc s'impose par une forte présence sur scène, une personnalité affirmée et solidement ancrée dans un univers artistique qui la démarque de nombre de chanteuses québécoises de la même génération. 

Ses chansons sont des oeuvres d'atmosphère, âpres, imprégnées d'une beauté sombre, aux textes taillés dans une matière poétique assez brute et sans compromis. C'est une artiste qui a indéniablement sa place dans le paysage musical francophone et dont on apprécie la singularité et la franchise.

Toutefois, l'accumulation de couleurs musicales similaires pendant la première heure du spectacle se faisait quasi oppressante. Le fait d'avoir inclus très peu de transitions parlées pour donner au spectateur le temps de reprendre son souffle entre chaque pièce n'aidait pas. On a beau apprécier la direction artistique claire, les idées fortes et l'unité du tout, on était quelque peu soulagé lorsque l'ambiance est devenue plus légère avec la chanson Vers le sud. On se souviendra aussi d'une magnifique interprétation de Vingt ans, de Léo Ferré, où elle a révélé une belle maturité comme interprète.

En première partie, Félix Dyotte, un nouveau venu, a offert de jolies chansons fleur bleue dans l'esprit des années 60. On constate chez lui un talent certain comme auteur-compositeur et surtout comme parolier. Il a toutefois éprouvé des difficultés avec la justesse de sa voix, peut-être en raison du trac ou du manque d'expérience scénique. On devine que ces fausses notes un peu trop fréquentes pour être qualifiées d'accidentelles ne résultent pas d'un manque d'oreille de sa part, puisqu'il est bon musicien, mais d'un problème de pose de voix que quelques cours de technique vocale permettraient sans doute de corriger.