More Than Any Other Day, premier album complet du quartette Ought paru ce printemps, nous avait révélé des qualités probantes: usage circonspect des instruments classiques du rock (voix, guitare, basse, batterie, claviers), esthétique puisant dans le punk, la new wave, l'avant-rock et le bruitisme ornemental.

À lire cette description sommaire, d'aucuns ont déduit que ces couleurs se mélangent sur toutes les palettes. Que ce rock anglo de Montréal tournerait en rond comme les autres. Que ce petit groupe émergent tracerait quelques cercles supplémentaires avant de s'évaporer comme la vaste majorité des petits groupes émergents.

Qu'ils se détrompent. Plusieurs écoutes de ce premier opus paru chez Constellation infirment ce diagnostic sommaire. Et remettons-en une couche avec cette claque prise jeudi soir au Piccolo Rialto. Très très bon show!

De ces jeunes mecs au physique délicat, gringalets que l'on imagine fuir les gymnases, se dégage une force hors du commun. Qui plus est, un goût certain, de la profondeur conceptuelle, une très forte personnalité voire une autorité supérieure à la majorité absolue des formations émergentes.

Le frontman Tim Beeler sait chanter. Bouger. Gratter fébrilement, rester pertinent avec le peu qu'il connaît de sa guitare. Dégainer notes, râles, cris, onomatopées et rimes signifiantes aux moments opportuns. Il a le sens de la conquête, se montre capable d'imposer cette transe collective des grandes soirées rock. C'est idem pour ses collègues: le claviériste Matt May, le bassiste Ben Stidworthy et le batteur Tim Keen forment un noyau pouvant libérer une immense énergie lorsque son chanteur procède à sa fission. Coulées de magma, beauté, substance, emportement, invitation heureuse de la collègue Charlotte Cornfield pour un groove on ne peut plus contagieux.

En tournée depuis plusieurs mois, Ought était fin prêt à asséner le grand coup à ses fans montréalais de la première ligne. La confidentialité de l'underground pourrait être de très courte durée.