Pour bien des gens, Johnny Cash était une grosse face pas trop souriante qui chantait souvent pour les clients des prisons américaines: «My name is Sue/How do you do

L'homme qu'incarne Shawn Barker dans The Man in Black, qui passe l'été au Théâtre des Pays d'en Haut, à Saint-Sauveur, est plutôt sympathique, presque drôle: un Johnny Cash coulé dans sa jeunesse de Memphis où, en même temps qu'Elvis Presley, Carl Perkins et Jerry Lee Lewis, en 1953-1954, il a enregistré ses premières chansons au fameux Sun Studio de Sam Philips.

Elvis a fait du rock'n'roll la première forme d'expression musicale de la jeunesse; Johnny Cash, lui, s'est servi des nouvelles rythmiques pour donner à la musique country de plus vastes horizons. «Il n'y avait pas de drummer au Grand Ole Opry», lancera Barker-Cash avant d'interpréter son premier succès Cry, Cry, Cry dans la formation classique du temps, le trio guitare-guitare-contrebasse. Auquel se joindra bientôt la caisse claire pour accentuer le rythme et former le Tennessee Three (contrairement aux jazzmen, Cash ne s'incluait pas dans «son» trio).

Musicalement, cet Hommage à Johnny Cash est impeccable, avec un orchestre de cinq musiciens dirigé par le guitariste Mike Burns - chapeau à la Stevie Ray Vaughn sur moustache kung-fu -, merveilleux picker qui donne à cette musique toute la dimension nouvelle que lui apportait la guitare électrique employée comme instrument solo.

Cash avait une voix de baryton-basse unique que Barker rend de fort belle façon, même si un tantinet moins mélodieuse. Des chansons de prison - telle Folsom Prison Blues, qui ouvrait chacun des spectacles du chanteur après sa présentation classique: «Hello! I'm Johnny Cash» -, on passe aux chansons de train sans lesquelles le country et les États-Unis tout entiers ne seraient pas ce qu'ils sont: Hey! Porter!, Rock Island Line, etc.

Brillants duos

Ceux qui ne sont pas fans de Johnny Cash peuvent déplorer certaines redondances rythmiques dans ce spectacle de 30 chansons (2h40 avec entracte), qui pourrait être ramené à 24 sans enlever quoi que ce soit à l'histoire, au personnage et à son mythe (voir la liste dans themaninblack.ca).

Les meilleurs moments comptent dans les duos avec l'une des deux choristes qui, quand elles ne chantent pas, se contentent d'être belles en faisant valser les pans de leur robe de satin rouge (en première partie) puis noir pour aller avec le noir de la redingote de Johnny C. It Ain't Me, Babe, de Dylan, Long Legged Guitar Pickin' Man, If I Were a Carpenter (popularisée par Bobby Darin) et le plus connu des duets de Cash: Jackson, qu'il chantait avec June Carter, sa deuxième femme, qu'il a vite suivie dans l'au-delà en 2003.

Le band brasse la cage dans Rusty Cage, un rock lourd, et se fond en vibrantes harmonies gospel dans Will the Circle Be Unbroken?, mais le concert atteint un sommet d'émotion quand Barker et les choeurs chantent Bird on the Wire, de Leonard Cohen en hommage, explique-t-il en anglais toujours, au public québécois qui a applaudi The Man in Black pendant cinq étés au Capitole de Québec.

L'an dernier, le Théâtre des Pays d'en Haut avait présenté pendant deux semaines, à guichets fermés, cette production américaine qui tient l'affiche pendant 40 soirs cet été à Saint-Sauveur.

Avec un homme en noir qui n'a rien du croque-mort.

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Au Théâtre des Pays d'en Haut, à Saint-Sauveur, jusqu'au 30 août. Info: tpdh.ca