Tout était surréaliste avant même que le spectacle ne commence: 2000 personnes se regardaient avec des lunettes 3D. Il faisait jour à l'extérieur avec un premier spectacle à 18h30 et un second à 22h15. Un contexte inhabituel qui ajoutait à la visite du groupe mythique à Montréal pour offrir au public un film musical de science-fiction... ou plutôt un retour dans le futur.

Dimanche soir, le Métropolis était l'hôte du spectacle 3D grandiose de Kraftwerk, inspiré de la rétrospective que lui a consacrée le Museum of Modern Art (MoMA) de New York, en 2012.

Sur scène, Ralf Hütter n'est plus accompagné de son frère d'armes Florian Schneider, avec qui il a fondé le fameux studio Kling Klang à Düsseldorf. Fritz Hilpert, Henning Schmitz et Falk Grieffenhagen sont à ses côtés, chacun derrière une console. Tous portent un justaucorps noir quadrillé de lignes blanches.

Pendant 90 minutes, ils ont transporté le public du Métropolis dans un vaisseau spatial visuel et sonore. Kraftwerk a présenté le meilleur de ses huit albums. Ce n'était pas un retour dans le temps, mais dans le futur.

C'est un euphémisme d'affirmer que le groupe électronique allemand était avant-gardiste dans les années 1970. Dimanche soir, le spectacle a décollé avec Robots, servie par des projections 3D faisant croiser les fameuses statues robotiques emblématiques de Kraftwerk de l'époque. Les paroles de la chanson défilaient à l'écran: «We're functioning automatic/And we are dancing mechanic».

Kraftwerk a enchaîné avec Numbers (avec un visuel rappelant The Matrix) et Computer World, deux titres tout aussi visionnaires pour l'époque (1981).

Peu de temps après, la foule a chaudement accueilli les premières notes de Computer Love, dont la mélodie a inspiré Coldplay pour sa chanson Talk.

L'économie de mots des chansons de Kraftwerk amplifie leur message. Surtout en spectacle avec les projections qui font, des refrains, des slogans. «Man Machine, pseudo human being», répétait Ralf Hütter dans le micro déformant sa voix de façon robotique.

La technologie 3D était particulièrement impressionnante pendant Space Lab avec des vaisseaux qui atterrissaient parmi la foule du parterre. Quant aux projections visuelles, elles étaient à couper le souffle pendant les titres de Tour de France avec des images d'archives de cyclistes.

Des «hommes-machines»

Kraftwerk, pionnier du synthétiseur et de l'électro, a révolutionné la musique et sa technologie, tout en se faisant le miroir musical de la société allemande d'après-guerre en reconstruction.

En entrevue avec nous, la semaine dernière, Ralf Hütter a parlé de «folk industriel». Kraftwerk a voulu créer un «homme-machine» musical qui regarde loin dans le futur.

Toute cette philosophie prend son sens en spectacle. Pendant le tube Autobahn (1974), une projection fait croiser des voitures Volkswagen et Mercedes sur une autoroute.

Rien dans l'art de Kraftwerk n'est laissé au hasard. Sur scène, ses membres sont des automates placides. Des «hommes-machines».

L'ambiance était davantage à la contemplation qu'à la fête dansante, par ailleurs, au Métropolis.

Les spectateurs savouraient le moment. Après tout, la musique de Kraftwerk va beaucoup plus loin que la synth-pop hédoniste du moment dont il a été le précurseur. C'est le résultat musical d'une réflexion sur la société moderne.

Il était fou de constater avec tous ses sens à quel point la vision du futur de Kraftwerk était juste, et à quel point sa musique a influencé les New Order, Daft Punk et Broken Bells.

Kraftwerk a par ailleurs terminé le premier de ses deux spectacles avec Planet of Visions.

Son retour dans le futur était impressionnant au Métropolis.