Treize petits mois après avoir donné le tout premier concert de la toute première tournée de son second début de carrière devant une poignée de spectateurs à la boîte de jazz Upstairs, Adam Cohen a montré fièrement au public du Monument-National, vendredi, le disque d'or qu'on lui a remis récemment pour Like a Man. Un disque qui vous amène à un endroit où plus rien d'autre ne compte et qui contient des chansons d'amour de calibre mondial, lui a dit son père Leonard.

Like a Man est un fort bel album, certes, mais le chemin parcouru par Adam Cohen depuis le concert intime d'il y a 13 mois en passant par le Club Soda et le Métropolis est encore plus impressionnant. La matière première est essentiellement la même - vendredi, il a joué neuf des dix chansons de Like a Man, ne laissant de côté que Girls These Days qu'allait lui réclamer une spectatrice - mais ce qu'il en fait désormais est magnifique.

Ses deux complices multi-instrumentistes et chanteurs Mai Bloomfield et Michael Chaves y sont évidemment pour beaucoup, comme d'ailleurs les quatre membres du Quatuor à cordes Orphée qui donnent encore plus de relief, et de mélancolie, à des chansons que Cohen fils pourrait défendre seul, ce qu'il fera pour Like a Man et Overrated. Ensemble, ils font de la chanson Stranger un objet d'une beauté insoupçonnée. Adam le taquin brouille d'abord les pistes en illustrant la parenté de sa chanson avec My Girl des Temptations et Walk On The Wild Side de Lou Reed puis il se lance véritablement dans Stranger, le violoncelle s'en mêle et les cordes suivent dans un crescendo poignant qui culmine par une finale orchestrale pour laquelle Adam s'improvise pianiste.

On est loin du chanteur à textes à l'accompagnement minimaliste et on se surprend tout à coup à rêver à ce que pourrait être le prochain album d'Adam Cohen. Il enchaîne justement avec une nouvelle chanson qui séduit dès la première écoute comme le fera au rappel une autre inédite servie par la bande des sept à l'avant de la scène, une chanson rassembleuse dans laquelle Adam fait un autre clin d'oeil au paternel («they tried to take Manhattan»).

Comme au Club Soda, Adam a emprunté à son père So Long Marianne, que le public a chantonné timidement, et il s'est installé à la batterie pour reprendre Nothing Compares 2 U de Prince à la façon de Sinéad O'Connor, en duo avec l'exquise Mai Bloomfield.

Ceux qui ne connaissaient pas Adam Cohen ont découvert un artiste très volubile qui s'exprime dans un français impeccable doublé d'un meneur de jeu tantôt drôle, souvent touchant. Un artiste bien servi par de beaux éclairages et quelques flashes de mise en scène efficaces. Les spectateurs, les nouveaux comme les initiés, ont manifesté leur appréciation par une longue et chaleureuse ovation qui m'a paru émouvoir cet homme de 40 ans qui, un peu comme son célèbre père, a toujours été un peu intimidé par sa ville natale. Parions qu'il l'est un peu moins depuis vendredi.

Un mot enfin sur Salomé Leclerc qui a aisément imposé sa présence en début de soirée par son aplomb, son goût et son charme. Seule avec son harmonica et ses guitares électriques, avec lesquelles elle fait vraiment corps, elle a fort bien défendu les chansons de son premier album Sous les arbres.